Balzac et les sociotopes

Lors d’un « Séminaire Balzac » sur le thème « Balzac et l’homme social », en 2009-2010, la notion de sociotope a été introduite dans la critique littéraire. Ce thème fut notamment développé lors d’une conférence sur le thème « Traversée des “sociotopes” dans Le Père Goriot et L’Éducation sentimentale » et d’une rencontre sur « Quelques sociotopes balzaciens ».

Le sociotope est utilisé comme outil d’analyse des comportements sociaux des personnages de Balzac. Les auteurs de la démarche (voir leur rapport ici) indiquent que « la notion [de sociotope], déjà utilisée par les sociologues allemands et les urbanistes hollandais ou suédois, en son sens local, et qu’il est aisé d’aligner sur les notions parallèles de biotope et de chronotope, pourrait être redéfinie en un triple sens : 

Sociotope 1. Sens générique : on pourrait parler de sociotope en ce sens générique pour tout l’ensemble des phénomènes de marquage social (…).

Sociotope 2. Sens local : au sens où un salon, une rue, une mansarde, un foyer de théâtre, un quartier de Paris, une ville d’eau, une pension de famille, une maison de jeu, un coucou, le cabinet particulier d’un restaurant, etc. peuvent être désignés par le récit balzacien comme des lieux puissamment investis par le social, et qui prédisposent leurs acteurs à des comportements normés et prévisibles.

Mais la notion, en ce sens local, peut s’entendre aussi de manière plus abstraite, pour désigner les « zones sociales » dont le roman balzacien pratique l’exploration, au prix – souvent – d’en proposer l’histoire. Voir par exemple La Duchesse de Langeais :

« À toutes les phases de l’histoire, le Paris de la haute classe et de la noblesse a eu son centre, comme le Paris vulgaire aura toujours le sien. Cette singularité périodique offre une ample matière aux réflexions de ceux qui veulent observer ou peindre les différentes zones sociales. »

Sociotope 3. Au sens de « scène sociale routinière », indexée par la « topique romanesque ». Ainsi, diverses scènes sociales fort codées sont aisément reconnaissables dans le roman balzacien, en particulier du fait de leur répétition (ou de leurs déclinaisons avec variantes) : l’orgie, le bal, la soirée à l’opéra, la promenade sur le boulevard, aux Champs-Élysées, le voyage à Paris, en province, etc. »

Les auteurs de cette démarche ont repéré dès 2009 l’intérêt de cette notion « utilisée par les urbanistes suédois » ainsi que le parallélisme entre sociotope et biotope. Son utilisation dans une approche sociologique de la critique littéraire est originale et méritait d’être signalée ici, ne serait-ce que pour donner envie de lire ou relire des œuvres de Balzac sous cet éclairage.

Gravure de Charles Huard pour La fille aux yeux d’or, édition de 1913.

Date de l’article d’origine : 21 octobre 2011

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