Les rapports multisensoriels des habitants à leurs territoires de vie

La revue Norois a publié en 2013, dans son numéro 227, un très intéressant article de Théa Manola intitulé « Rapports multisensoriels des habitants à leur territoire de vie : retours critiques sur une démarche méthodologique ». Cet article part du constat que les études sur les rapports entre les habitants et leur environnement s’intéressent quasi exclusivement à l’espace vu et négligent les autres sens, bien que ceux-ci participent à l’expérience vécue. Il paraît donc utile de comprendre quels sont les rapports multisensoriels que les gens entretiennent avec leur environnement, et à cette fin, des outils spécifiques ont été développés. Il s’agissait en particulier de trouver un moyen de lever les inhibitions liées à l’expression du sensible et de surmonter les problèmes de vocabulaire dès lors que l’on a affaire à des sens autres que la vue.

Les territoires testés dans le cadre d’un programme financé par le CNRS et le PUCA étaient des quartiers d’habitat « durable » situés aux Pays-Bas (Amsterdam) et en Suède (Malmö). Comme dans la méthode des sociotopes, les territoires à analyser ont fait dans un premier temps l’objet d’une expertise par des professionnels, puis d’investigations auprès des habitants, avec ici un travail sur des « parcours multisensoriels » et la mise en œuvre de « baluchons multisensoriels ».  Cette appellation peu explicite désigne tout simplement un sac contenant un carnet, un appareil photo, un enregistreur numérique de poche et des enveloppes permettant de collecter des objets, l’idée étant de favoriser des moyens d’expression autres que la parole. Au total ont été réalisés 100 entretiens ouverts courts et 27 parcours, tandis que 23 baluchons ont été distribués et analysés. Ces trois méthodes sont apparues complémentaires, sachant que l’entretien favorise un discours assez conventionnel et que les autres méthodes favorisent la spontanéité, mais qu’elles supposent un niveau d’engagement élevé.

Ces travaux ont fait émerger trois types de paysages perçus par les habitants : les « paysages symboliques » ou « vitrines » qui sont des références, les « paysages communs » pratiqués quotidiennement, et les « paysages intimes » « habités par des pratiques personnelles quotidiennes et qui font l’objet d’un rapport affectif fort » ; ces derniers sont souvent liés à des expériences sensorielles personnelles, ils apparaissent un peu dans les parcours mais surtout dans les baluchons.

En conclusion de l’article, et après avoir analysé l’intérêt de la méthode du baluchon, l’auteur examine ce qu’il est possible de faire du matériau récolté, notamment dans le cadre de projets urbains. Dans le cas d’Amsterdam, la démarche a permis d’élaborer une carte représentant le caractère « habité » ou « inhabité » du quartier (on n’est pas loin des cartes de sociotopes) et de croiser ces données avec celles du diagnostic urbanistique (bâti, déplacements, espaces publics…). Pour l’auteur, « l’objectif d’un tel système cartographique n’est pas seulement d’exister. Il s’agit en effet de poursuivre ce travail en confrontant ce produit aux habitants du quartier afin de pouvoir imaginer à terme un outil d’implication de tous les acteurs intéressés, sur l’avenir d’un territoire qui serait en projet ou ferait l’objet de débats ».

Télécharger « Théa Manola territoires de vie.pdf »

Merci à Julien Torchin pour l’information. Date de l’article d’origine : 18 mars 2015

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s