Montaigne avec nous !

photo Rob Biesenbach

Michel Eyquem de Montaigne (1533 – 1592) a été cité plusieurs fois ici, parce qu’il nous enseigne l’art de profiter du lieu et du moment – et, plus largement, parce qu’il nous donne de salutaires leçons de vie sans jamais tomber dans un moralisme prêchi-prêcha. Je repense à lui en découvrant cette photo d’un panneau installé dans le parc national du Grand Canyon et appelant les visiteurs à la boucler pendant une minute – ainsi qu’à ne pas se précipiter à faire des photos. J’y vois une invitation à mettre en œuvre la sage attitude de Montaigne : « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors, et quand je me promène solitairement dans un beau verger, si mes pensées sont occupées d’autre chose pendant quelque partie du temps, une autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude, et à moi » (Essais, L. III, XIII).

Perfect Days, image du film.

Un certain Euripide, que Montaigne avait lu, déclarait quant à lui quelque chose comme « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence ». Voilà un précepte pas forcément facile à appliquer quand on est avec d’autres personnes devant un spectacle qui vous arrache des exclamations et vous porte à faire des selfies, mais 2400 ans plus tard, il nous invite à nous déconnecter de l’agitation quotidienne pour mieux nous connecter au monde. J’y pensais hier en voyant « Perfect Days », le beau film de Wim Wenders dans lequel un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo, vivant sans smartphone mais amoureux des livres et de la nature, pique-nique chaque midi dans un parc pour le plaisir d’admirer un arbre devenu son ami – une de ses façons à lui de vivre une existence pleine.

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