Quand le feu attise la vie sociale

Photo Tiger St Georg, licence CC-BY-SA-2.0

Si l’eau est un élément naturel essentiel à l’attrait et à la vitalité d’un lieu, il ne faudrait pas oublier le feu, qu’on rencontre évidemment moins souvent mais qui est un puissant agrégateur de gens. Notre attrait pour le feu, tout comme pour l’eau, serait sûrement à psychanalyser, Gaston Bachelard s’en est d’ailleurs déjà chargé dans Psychanalyse du feu, mais il doit y avoir là un rapport avec des temps lointains où les hommes se rassemblaient autour du feu pour y trouver confort, sécurité et sans doute aussi autre chose, en rapport avec l’imaginaire. Le feu continue d’être associé à des fêtes ou des événements particuliers, la Saint-Jean bien sûr, mais aussi toutes sortes de rassemblements – ainsi un camp de scouts ne se conçoit pas sans feu. Pensons également à ces rassemblements informels et nocturnes de jeunes que les honnêtes gens ne voient pas, mais dont on trouve ensuite des traces sous forme de bouts de bois carbonisés. Le barbecue est aussi un mode de relation au feu, dans une version portative sans doute, mais tout autant chargée de symboles sinon plus (la viande, la virilité… comme souligné dans l’article en lien).

Ce qui m’y fait penser aujourd’hui, c’est un article trouvé dans Ouest-France du 30 janvier, à propos d’un barrage d’agriculteurs près de chez moi, où ceux-ci ont « allumé un énorme brasier », provoquant des pluies de suie qui incommodent sérieusement les habitants du voisinage, d’où l’article. « C’est le symbole de la contestation », déclare un des participants. « Il nous réchauffe le soir quand on se retrouve à une centaine pour discuter ». Il galvanise aussi les jeunes, « qui ont besoin de s’exprimer : sans feu, ça retombe. Si on reste sans rien faire, on va se priver d’une partie du mouvement ». Le mouvement des Gilets Jaunes avait révélé l’inattendu potentiel des ronds-points pour la vie sociale, celui-ci nous rappelle l’importance cruciale du feu non seulement en tant que symbole de révolte, mais aussi comme élément attractif et facteur d’échanges nourris. L’entretien du feu devient un but à part entière, une activité qui donne l’impression de « faire quelque chose » tandis qu’on bat la semelle en rase campagne, et permet de ne pas laisser retomber ce qu’on appelle fort justement « le feu sacré ».

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