L’homme qui lisait un journal

Après trois jours et près de 30 kilomètres de marche dans Paris, je finis par observer dans le jardin du Luxembourg un spectacle devenu insolite : un homme assis en train de lire un journal, un vrai en papier, comme dans le temps. Ce grand rectangle blanc est visible de loin et attire le regard tandis qu’aux alentours, les gens sont plongés dans leur ordinateur portable ou leur smartphone, discrètement posé sur leurs genoux ou au creux de leur main. Serait-ce le drapeau blanc d’une prochaine capitulation du journal en papier face à l’invasion du numérique ? Vais-je déployer le lyrisme d’un Finkielkraut ou d’un Sylvain Tesson pour regretter le bon vieux temps où l’on faisait la queue au kiosque du carrefour Saint-Michel pour se procurer son numéro du Monde tout juste sorti des rotatives et se tacher les doigts à l’encre à peine sèche ? Même pas, car du point de vue du sociotopologue, ce monsieur plongé dans la lecture solitaire des Echos anime nettement moins le lieu que, près de lui, deux groupes de filles qui se paient de bonnes tranches de rigolade autour de leurs smartphones.

Il n’empêche que la présence de gens en train de lire – une activité qui requiert un peu de concentration – témoigne de la capacité d’un lieu à favoriser le « lâcher prise ». Et des gens qui lisent des livres, j’en remarque plusieurs au même moment, ce qui confirme que le Luxembourg, comme tous les grands parcs urbains, est capable de répondre à des attentes variées voire contradictoires. Un des secrets de cette réussite ne tiendrait-il pas à la qualité du mobilier, avec tous ces fauteuils vraiment mobiles ? La posture du lecteur ci-contre semble confirmer l’importance cruciale du confort physique, avec le dos bien calé et les jambes relevées.

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