« Tous capables » ?

Photo d’archives (Guiscriff, 2023)

La semaine dernière, je participe à une réunion organisée par le Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN), sur le thème « Et si on pouvait décider ensemble : densifier la ville, un projet à déléguer aux experts ou à décider collectivement ? ». Ces questions de densité et d’implication des habitants m’intéressent, la cause défendue par le GFEN – une association centenaire qui alimenta le Plan Langevin-Wallon de 1947 – me va bien, et sa devise « Tous capables ! » me rappelle un des slogans de Project for Public Spaces : « The community is the expert ».

Je m’attends à une conférence-débat, or il s’agit d’un atelier jeu de rôles durant lequel les participants, réunis en quatre groupes, vont devoir plancher sur un projet d’aménagement d’un quartier à partir d’un plan fictif. La feuille de route est de parvenir à caser 260 habitants dans un quadrilatère d’un hectare où il y a déjà du bâti, tout en proposant autant que possible des commerces, des services, des espaces verts, des cheminements doux et tout. Cela me rappelle un exercice du même genre que j’avais proposé en 2018 lors d’une concertation sur un PLU, mais ici il y a en plus un aspect « jeu de rôles », car chaque groupe doit exprimer un point de vue spécifique (« urbanistes », « écolos », « habitants du quartier », « futurs habitants »).

Me voilà donc dans une position nouvelle, et je compatis aux souffrances de mes clients de 2018, car l’exercice est ardu. Les diverses propositions d’aménagement sont plus ou moins convaincantes, en tout cas contrastées, et j’en conclus pour ma part que tout ça est très compliqué, et qu’heureusement, dans le monde réel, il y a des professionnels capables d’accoucher des projets crédibles dans des cadres aussi contraints. Le meneur de jeu en conclut quant à lui qu’à l’issue de cet exercice,« on voit que nous sommes tous capables ». Je lui demande ingénument « Capables de quoi ? », et il me répond avec assurance « Tous capables ! », ce qui ne m’avance pas tellement. Apparemment, un slogan, ça ne se discute pas.

Si les habitants d’un quartier ont assurément une expertise d’usage et, moyennant de bonnes méthodes d’encadrement, une capacité à concevoir des espaces publics attractifs, j’ai quand même quelques doutes en matière d’aménagement urbain global, sauf à apporter aux gens une solide formation – le GFEN n’a sûrement rien contre, mais là on n’est plus dans le domaine de la spontanéité et on se rapproche d’une démarche professionnelle. « Décider collectivement », pourquoi pas, même si juridiquement je ne suis pas certain que les habitants aient un pouvoir de décision, mais cela ne s’improvise pas, et ne disqualifie pas non plus les gens de métier.

Voir dans ce blog : Espaces publics et « spontanéité créatrice des masses ».

Un commentaire

  1. Très bonne question que je partage évidemment. Proposer à tous de s’interroger en amont d’un projet me semble avoir plusieurs intérêts pour enrichir le travail des « experts » mais ne permet de se passer d’expertise.

    Ayant participé à l’exercice, j’ai trouvé intéressante l’idée de demander aux participants d’identifier l’élément du projet qui leur est le plus cher. J’essayerai d’utiliser cette question pour d’autres occasions.

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