Chez les riches

Un intérêt de faire le touriste à Paris, c’est qu’on peut aisément y observer les riches dans leur biotope urbain. Ici en Basse-Bretagne, cette espèce à la répartition sporadique et aux mœurs plutôt discrètes ne se laisse pas facilement observer, en dehors de quelques stations balnéaires huppées. A Paris, en revanche, elle forme des colonies prospères, disposant de vastes parcs pour s’ébattre, même si ses membres les plus fortunés s’y sont ménagé (notamment dans le bois de Boulogne) des enclos réservés à eux seuls, les « ghettos du Gotha » selon J. et M. Pinçon-Charlot, où ils ne risquent pas de croiser leur bonne le dimanche.

Le parc Monceau (8è) présente la particularité rare d’être de plain-pied avec la majeure partie de son environnement bâti, les habitations ayant un accès direct au parc. Il est traversé par la longue allée de la Comtesse de Ségur, évocatrice d’un univers de petites filles modèles jouant au cerceau, une activité que le jeune Marcel Proust pratiquait d’ailleurs ici. Ce 4 mars après-midi, malgré la fraîcheur et le vent, il y a du monde et je m’efforce de poser mon regard sur toutes les personnes assises sur les bancs le long de l’allée, histoire de mieux voir qui fréquente ce lieu. A ma grande déception, point de rombières emperlouzées à caniche ni de jeunes gens à raie sur le côté, en loden et mocassins à glands, on n’est pas dans un sketch des Inconnus ; mais, apparemment, des gens tout ce qu’il y a d’ordinaire dans des tenues banales. Sauf que certaines « minorités visibles » ne sont guère présentes (peu ou pas de Noirs si vous préférez, rien à voir avec les jardins d’Eole) – et qu’on y remarque des femmes promenant des enfants qui ne sont pas les leurs, pendant que leurs patrons se livrent à des activités sérieuses. Par ailleurs pas mal de gens lisent des livres et, curieusement, peu sont plongés dans leur smartphone (vérifiez vous-même sur les photos) : un signe avant-coureur que cette addiction deviendrait trop vulgaire dans les beaux quartiers ?

Plus loin au sud-ouest dans le 16è, le jardin du Ranelagh fait transition entre le quartier de Passy et le bois de Boulogne. Ici aussi, des promeneuses d’enfants et de chiens, avec d’ailleurs un parc à chiens où quadrupèdes et bipèdes socialisent joyeusement. Me documentant plus tard sur la question, je m’aperçois que comme par hasard, le 16è arrondissement est le mieux doté de la capitale en aménagements pour les chiens (15 en tout). Et la fermeture d’une rue à voitures offre maintenant un espace de jeux et d’évolution pour les enfants. L’endroit respire la quiétude et même les pelouses sont globalement en bon état, ce qui suggère que la pression sur les espaces verts est plus faible ici que dans les quartiers populeux du nord-est parisien. Finalement, pour le rural qui veut voir des riches en grande tenue, rien de tel qu’un tour du côté de la place Vendôme, ou pourquoi pas au Ritz – le café, à 3,50 €, y est moins cher que dans des brasseries banales des alentours, qu’on se le dise.

Lire aussi dans ce blog : Dans les beaux quartiers.

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