Lecture : « Comment s’approprier la ville ? »

Ce livre de 264 pages, édité en 2008 par le Centre canadien d’architecture, s’intitule en anglais « Actions you can do in a city » – une formulation plus claire que la notion abstraite et ambiguë d’ « appropriation ». La richesse des idées et expériences qui y sont exposées est proportionnée à la pagaille qui y règne, ce qui n’est pas peu dire. On a déjà du mal à trouver le titre du livre, le sommaire ne correspond pas toujours à la pagination, les textes s’ouvrent sur une « action 30 » suivie d’une « action 54 », on y trouve pêle-mêle  des semelles de chaussures en planches à découper, des tentes en forme de voitures pour camper en ville, une recette (alléchante) de ragout d’écureuil, des moutons en transhumance urbaine, des piétons grands comme des voitures, des jardiniers rebelles, des cyclistes qui peignent eux-mêmes leurs pistes sur la chaussée, des vaches qui aménagent des quartiers, des récupérateurs d’oranges sur le domaine public, des squelettes habitables, des pneus de repos, des plans de villes pour piétons invisibles, et j’en passe.

Ce côté « foutraque », comme on dit dans Télérama, est un peu déroutant, et un tel catalogue d’initiatives ne saurait constituer une méthode de travail – ce qui n’est d’ailleurs pas son propos. Il n’empêche que ce livre garanti  100 % « bottom-up » (= privilégiant les initiatives venant des habitants) présente au moins trois grandes qualités :

– A travers des expériences souvent très simples et parfois bizarroïdes, il met le doigt sur des questions essentielles de rapport entre la ville et ses habitants – comme les besoins de sociabilité, de créativité, de plaisirs quotidiens… Voir par exemple le texte (malheureusement trop court) sur « le pouvoir d’attraction de la table » ou celui (malheureusement non illustré) sur le thème de la « prairie urbaine ».

– Il présente des solutions dans l’esprit « lighter / quicker / cheaper » familier à nos lecteurs, qui répondent complètement aux préoccupations actuelles de recherche d’économies – tant dans les budgets publics que dans ceux des ménages.

– Il est très irrespectueux des autorités et de l’ordre établi. A une époque où ce qu’on appelle l’urbanisme en France consiste de plus en plus à essayer de gérer des amoncellements de contraintes juridiques, on est content de voir que des activistes urbains agissant dans l’obscurité propice arrivent à faire évoluer des idées et des pratiques dans le bon sens. D’accord, c’est loin de régler tous les problèmes ; mais ça fait tout simplement du bien de savoir que c’est possible.

Date de l’article d’origine : 5 septembre 2012.

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