Sociotopes des Millevaches

Le plateau des Millevaches est un vaste territoire granitique qui s’étend sur les départements de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne. La densité de population de certaines communes, 2 à 3 habitants au km², atteint celle du Norrbotten (Laponie suédoise) : autant dire qu’à première vue, ce n’est pas l’endroit idéal pour partir en quête de sociotopes. Voici toutefois quelques observations glanées çà et là, témoignant de la diversité des modes de vie dans ce « rural profond » qui n’est pas à l’abri des mutations culturelles.

Première escale à Faux-la-Montagne (Creuse, 450 habitants), qui s’est doté d’un éco-quartier et accueille à bras ouverts toutes sortes d’expériences de vie et de travail, attirant ainsi une population jeune dans un territoire vieillissant. Cet éco-quartier a pensé aux enfants : ils ont à leur disposition, entre le quartier et le centre du bourg, un « jardin des enfants » de 1200 m², plein d’herbes folles et donnant directement sur la forêt. Ils y disposent d’une jolie maisonnette en bois dotée de quelques meubles. Rien à voir avec la stérilité et l’encagement qui prévalent dans beaucoup de terrains de jeux pour enfants, ici c’est un espace de liberté, de découvertes et d’expériences sensorielles. Dommage que je n’en aie pas de photo…

Étape suivante à Peyrelevade (Creuse, 830 habitants). J’y avais repéré jadis, en contrebas du bourg, un excellent sociotope : un étang de 10 hectares, sur fond de forêt, au bord duquel on pouvait pratiquer toutes sortes d’activités et même faire trempette. Mais voici qu’il a été supprimé en 2020 pour rétablir la continuité écologique de la Vienne. Direction le bourg, donc, pour voir ce qui s’y passe. En contrebas du carrefour central, une aire en stabilisé de 700 m² comporte quelques bancs pas très confortables, mais aussi une table de pique-nique et un point d’eau. Je n’y vois personne. Dans le carrefour, une mini-place de 130 m² accueille une vasque et quelques végétaux ; mais là aussi, il n’y a personne. La vie sociale est de l’autre côté de la rue, où un café et une pizzeria ont des tables sur le trottoir. Un automobiliste passe et, tout en laissant tourner son diesel, engage la conversation avec des personnes attablées. Un autre arrive et, laissant son moteur tourner, va faire une course. Et en voici encore un autre, qui va faire comme le premier, arrosant le voisinage de gaz d’échappement pendant qu’il discute.

Encore 24 km à pied et me voici à Pérols-sur-Vézère (Corrèze, 190 habitants), dont le maire avait acquis une certaine notoriété en 2023 lorsqu’il avait promené une banderole « Mort aux écolos » durant une fête de village (il paraît que c’était pour rire). J’y découvre, en pleine campagne, de très étranges lotissements de maisons à toits de chaume, conçus par un entrepreneur local. Les quelque 70 maisons sont posées sur des espaces engazonnés tondus bien ras. L’impression d’ensemble est proprette, assez pauvre aux plans écologique et des usages possibles, mais l’originalité de ces quartiers (fermés au public) tient à l’absence de clôtures, qui arriverait presque à créer une ambiance de village si la densité était plus forte et organisée autour d’espaces communs. Par ailleurs, la localisation à 3,5 km du minuscule bourg n’aide pas spécialement celui-ci à vivre. Une curiosité, donc, mais sûrement pas un modèle de revitalisation rurale, à la différence de Faux-la-Montagne qui a incorporé son éco-quartier au bourg et rendu celui-ci bien plus vivant et accueillant qu’il y a quelques décennies.

Une devinette pour finir : dans laquelle de ces trois communes, à votre avis, le Rassemblement National a-t-il été écrabouillé par les écologistes et les partis de gauche lors des dernières élections européennes ?