Le programme UCL Depthmap a été conçu au University College London (UCL) pour être utilisé par les architectes, les urbanistes et plus largement par les personnes impliquées dans le domaine de l’aménagement de l’espace. Ce logiciel « open source », basé sur la théorie des graphes, analyse la visibilité et la connectivité entre différents éléments ou différents points d’un réseau constitué soit de segments (par exemple des voies de circulation) destinés à une « analyse axiale », soit d’espaces (par exemple des espaces publics, ou les pièces d’un bâtiment). Il a déjà été brièvement présenté ici dans la première version de ce blog en 2012 ; à l’époque, sa diffusion était restreinte à des utilisations de type universitaire, alors qu’il est désormais téléchargeable et utilisable librement, ce qui m’a permis de le tester ces jours-ci.
Les données à analyser dans le domaine qui nous intéresse (les espaces publics, les sociotopes) sont le plus couramment des fichiers DXF comprenant soit des voies et cheminements convertis en segments de droites sécantes, soit un polygone unique associant par exemple des voies, des places, des parcs et autres espaces publics, voire bien entendu des sociotopes identifiés indépendamment de leur statut foncier. On notera que dans le premier cas, le travail peut être fait manuellement (par exemple sous SIG ou sous Illustrator), mais que le programme est capable de le faire automatiquement à partir d’un polygone. Ainsi, si on peut se procurer le plan de l’ensemble des voies d’une commune au format DXF, il est possible de convertir automatiquement ce réseau en segments de droites à condition de veiller à ce qu’il n’y ait qu’un seul polygone et qu’il soit fermé.
Les outils d’analyse, que je n’ai pas tous expérimentés pour le moment, portent notamment :
- en ce qui concerne l’analyse axiale (Segment Analysis) : sur le degré d’intégration, la connectivité, la longueur de trajet ou la complexité de parcours au sein du réseau pris globalement ou à partir d’un élément sélectionné par rapport à tous les autres éléments. Le programme compte par exemple le nombre de changements de direction nécessaires pour aller d’un point à un autre, ou le nombre d’éléments atteignables en effectuant un nombre déterminé de changements de direction. La notion de choix de trajets possibles semble aussi pouvoir être prise en compte.
- en ce qui concerne l’analyse des surfaces (VGA, Visibility Graph Analysis) : en plus des fonctions précédentes, il est aussi possible de calculer la visibilité théorique d’un point ou d’une surface depuis son environnement, ou la visibilité depuis un lieu déterminé. S’agissant par exemple d’un espace public de type place ou parc, on identifie instantanément les endroits les plus exposés à la vue ainsi que les endroits cachés ou peu exposés.
Ce programme est riche d’applications possibles en matière de planification des espaces publics et des déplacements, il pourrait l’être aussi en matière d’implantations de commerces ou d’équipements publics, parce qu’il permet de repérer commodément les lieux les mieux intégrés et connectés, les plus visibles, les plus « potentiellement passants », ainsi que les situations isolées, mal reliées ou peu visibles. Il permet également de mesurer instantanément les incidences de l’ajout ou de la suppression d’une connexion (par exemple la création d’un cheminement piétonnier qui va permettre de connecter deux jardins entre eux et de mieux les relier à l’ensemble des zones habités ; ou un aménagement rendant le parcours moins complexe pour les piétons). Le programme UCL Depthmap, développé dans le cadre de recherches sur la « syntaxe spatiale », est très utilisé dans certains pays (ainsi, nos collègues suédois l’utilisent abondamment et nous l’ont fait connaître) mais ne semble pas l’être pour le moment en France.
Informations ici (en anglais).
Images ci-contre : test de Depthmap sur une commune du Morbihan. En haut : visibilité théorique (nombre de points visibles à partir d’un point. En bas : degré d’intégration des voies par rapport à l’ensemble du réseau de voies. Il est frappant (et encourageant) de constater que la quasi-totalité des commerces ainsi que les principaux équipements (poste, mairie) sont implantés le long des deux rues ayant le plus haut niveau d’intégration. Ce sont là de bons choix d’implantations sur ce critère, mais des mauvais choix auraient été (et restent) possibles.
Date de l’article d’origine : 16 mars 2015