Comment parler des lieux qu’on aime

A Trausse, dans le Minervois (Aude)

Samedi dernier à l’heure du déjeuner, j’écoute plus ou moins distraitement sur France-Inter la philosophe Joëlle Zask, sur la question de savoir si l’écologie est compatible avec la démocratie (sa réponse est « oui », rassurez-vous). Je dresse soudain l’oreille lorsqu’on l’interroge sur son dernier livre, « Se tenir quelque part sur la Terre », dont le sous-titre – « Savoir parler des lieux qu’on aime » – retient mon attention. Car chacun sait que les enquêtes sur les sociotopes commencent en principe par la question « Quel est votre lieu favori ? », suivie de la question « pourquoi ? », laquelle conduit les gens à expliquer pour quelles raisons ils aiment un lieu particulier. Et là, il faut souvent aller chercher les réponses, lorsque l’interlocuteur manque de mots ou de spontanéité pour exprimer ce qu’il ressent.

Madame Zask a peu de temps pour évoquer cette partie de son travail, qui intéresse sans doute moyennement les journalistes politiques, mais je suis sensible à ses coups de griffe contre l’identitarisme bêtifiant, qui s’exprime par des formules passe-partout du genre « je suis du coin », « c’est mon territoire », « mes racines sont là », etc.; ou encore contre cette calamiteuse notion d’ « appropriation« , à laquelle j’avais tenté de régler son compte ici. L’approche de l’auteur, qui cherche à se libérer de toute appartenance pour être capable d’apprécier les lieux pour eux-mêmes, me séduit bien, c’est pourquoi j’ai commandé son livre, que je présenterai ici prochainement. Pour le moment, voici le résumé proposé par l’éditeur.

La terre de son enfance pour l’un, un paysage pour l’autre, un arbre ou les murs d’une maison chargée de souvenirs. Nous portons tous en nous des lieux auxquels nous sommes singulièrement reliés – des lieux qu’on aime. Pour parler de cette géographie intime, nous avons souvent recours au registre de l’identité, des racines, de l’appartenance. À quoi s’oppose l’idée qu’on pourrait être  » de nulle part « . Nous rejouons ainsi une alternative bien connue : d’un côté, l’idéal d’une osmose entre les humains et leur lieu de vie ; de l’autre, l’idéal de femmes et d’hommes sans attaches, ayant le monde à disposition. Or, s’il est absolument nécessaire de proscrire un vocabulaire dont se nourrissent les mouvements d’ultradroite, il est tout aussi urgent de reconnaître l’importance, pour chacun, de son lieu de vie. Car mépriser cette relation, c’est nourrir la frustration qui fait le lit des positions politiques extrêmes. Et abstraire la citoyenneté de tout contexte, c’est risquer de toujours plus négliger notre environnement.

Ce livre très personnel, dans lequel Joëlle Zask se penche sur sa propre expérience et enquête sur celle des autres, nous invite en somme à emprunter un double chemin politique et esthétique pour penser une nouvelle manière d’arpenter le monde.

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