La loi de Murphy appliquée aux espaces publics

La loi de Murphy (« tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal ») trouve admirablement à s’appliquer dans notre domaine. Elle se conjugue d’ailleurs, dans ce pays, avec un refus obstiné du sens pratique : rien ne doit jamais être trop facile à l’usager. Serait-ce la manifestation d’un vieux fonds de culture catholique, qui nous enseigne que dans cette vallée de larmes, nous devons tous en baver un peu pour mériter une bonne place dans l’au-delà ? C’est ainsi qu’un parcours pour personnes handicapées doit comporter une volée d’escalier ou, au moins, une petite difficulté bien désagréable, pour rappeler à ces gens-là que tout ne leur est pas dû et qu’ils doivent y mettre un peu du leur, quand même. Quelques illustrations dans un quartier tout neuf de la ville de Lanester, face à Lorient.

Ci-contre, un cheminement a été réalisé pour relier l’espace vert central du quartier à une rue urbaine. La pente était modeste, et il n’aurait pas été bien compliqué d’aménager le chemin avec une légère déclivité. Mais non, il a fallu y mettre un escalier, impraticable avec un fauteuil ou un déambulateur, dur avec un vélo ou une poussette. Mais une bande podotactile a été posée en haut – la norme NF P98-351 est ainsi respectée, on en saura gré au concepteur.

De l’autre côté du quartier, un autre cheminement relie l’espace vert central au chemin côtier longeant l’estuaire du Scorff. On a réussi la prouesse d’aménager en trois sections ce cheminement de 43 m : une section haute en béton, sur 8 m, puis une section médiane de 25 m en « stabilisé », lequel tend à s’éroder et à s’étaler vers le bas en une nappe boueuse. Enfin, en partie basse et jusqu’au sentier côtier, on a aimablement laissé 10 m de sol naturel et boueux en hiver, où, délicate attention, les habitants sont invités à créer eux-mêmes leurs « lignes de désir ». Là encore, de quoi dégoûter des personnes ayant des difficultés à marcher ou utilisant un engin roulant.

Il ne nous reste plus qu’à nous intéresser à l’espace vert central, triste bande de verdure par défaut où les quelques arbres sont judicieusement implantés pour empêcher les jeux de ballons. Avec un tel aménagement, pas de risques de voir des bandes de jeunes traîner : la tranquillité des riverains est assurée. Pas de doute, dans ce quartier dense, tout ce qui pouvait être raté en matière d’espaces publics a été raté. Il y a encore du travail ici pour réussir « la ville dense et verte ».

Un commentaire

  1. C’est tellement frustrant de voir des trucs si peu ambitieux. Ici encore, on se contente de rester dans les clous. Je remarque qu’il y a des initiatives (lignes de désir) mais qui ne sont pas à l’épreuve de la pratique. A croire que ces initiatives sont le fruit de concepts repompés ailleurs.
    Des concepts incompris ou non rentables qui ont le mérite restent présents dans les plaquettes pour mettre à jour de vieille recettes ? Bref,il y a encore du chemin à parcourir avant de sortir du système des solutions « co-construites et/mais clés en main pour l’aménagement d’espaces végétalisés ».

    Peut-être que le changement de pratique d’aménagement viendra des retours de gestion de tels espaces. Ou quand les coûts réels (et la galère) d’entretien seront documentés et/où partagées.

    On va y arriver, faut juste tenir bon. Merci de prendre le temps de partager ces observations, vos réflexions, et de souligner les incohérences entre projets et pratiques. c’est top !

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