Des chemins près de chez soi

Considérant les enquêtes réalisées ces dernières années auprès d’enfants scolarisés dans cinq communes bretonnes, je me rends compte de l’importance que présentent les chemins dans leur vie quotidienne. Dans la dernière commune étudiée, une petite ville environnée par la campagne, 15 enfants sur 45 déclarent spontanément utiliser les chemins pour leurs loisirs. Dans la commune précédente (Pluneret, plus urbanisée), c’étaient 19 sur 90, une valeur plus faible mais significative. Les enfants ne prisent guère la randonnée, c’est là une pratique d’adultes ; d’après leurs témoignages, les chemins leur permettent plutôt de s’évader de chez eux, de jouer, de faire du VTT ou de sortir le chien. Ce sont des petits espaces de liberté, importants pour leur construction et leur expérience du monde extérieur.

Encore faut-il bien sûr qu’ils disposent de chemins près de chez eux, et tout le monde n’a pas cette chance. On fait grand cas des créations d’itinéraires de randonnée balisés, mais ce pays a perdu et continue chaque jour de perdre d’innombrables chemins ruraux – c’est à dire communaux, au sens de l’ordonnance de 1959 sur la voirie rurale. On a justement souligné le rôle des remembrements, mais la régression de ce patrimoine commun doit aussi beaucoup à la négligence ou à la complaisance d’élus locaux, qui ont vendu des chemins à des citoyens-électeurs méritants ou, très souvent, fermé les yeux sur des accaparements de fait par des agriculteurs ou des riverains. Vous en avez un bel exemple sur le plan ci-contre, qui concerne un coin de campagne en lisière de ma ville d’Hennebont : le chemin rural cadastré a été incorporé à une parcelle cultivée dans les années 1970 – la municipalité, communiste à l’époque, a curieusement oublié de défendre ce patrimoine collectif qui aurait pu permettre de se rendre à pied dans la commune d’à côté.

Puisque j’aime bien exhumer des circulaires méconnues, comme celle de 1973 sur l’offre d’espaces verts, c’est l’occasion de rappeler que des circulaires de 1961 et 1969 (1) demandent aux communes (sans toutefois le leur imposer) de dresser un inventaire exhaustif, sous forme de tableaux et de cartes, de leur voirie rurale, de manière à en permettre une gestion attentive et à servir d’éléments de preuve en cas de contentieux. Mais dans combien de communes connaît-on ces textes, et quels sont les élus qui les mettent en œuvre ? Mme Corinne Bourrillon, déjà présentée ici, est une des meilleures spécialistes nationales de la question et travaille d’arrache-pied pour convaincre les élus de mettre en œuvre ces plans de voirie et, par la même occasion, de récupérer des chemins accaparés par d’honnêtes citoyens. Si vous avez envie de proposer ce beau thème de travail à vos élus, et de tester leur sens de l’intérêt général, vous pouvez commencer par lire l’excellent ouvrage qu’elle a consacré à la question (voir le lien ci-dessus) et ensuite prendre contact avec elle, son site internet est ici.

(1) Circulaire n° 426 du 31 juillet 1961 relative à la voirie communale ; circulaire du 18 décembre 1969 (parue au JO du 18 janvier 1970) relative aux caractéristiques techniques, à l’emprise, à la conservation et à la surveillance des chemins ruraux.

Un commentaire

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s