Le 26 janvier dernier, me voici à l’Ehpad d’une petite ville de Bretagne intérieure pour un entretien avec des pensionnaires et l’animatrice de l’établissement, le propos étant principalement de relever les difficultés d’accès aux espaces verts et aux commerces (le contexte de la ville et de l’Ehpad a déjà été présenté ici). J’ai en face de moi cinq dames âgées de 75 à 90 ans (moyenne d’âge : 84 ans). J’enregistre les points problématiques, déjà évoqués lors d’un échange préalable avec l’animatrice : trottoirs absents, ou trop étroits, ou défoncés, ou encombrés ; pentes trop fortes ; cheminements dont le revêtement est inadapté aux fauteuils ; difficultés pour garer la camionnette de l’Ehpad ; manque de toilettes ; local d’expositions situé à un étage inaccessible, etc. Rien de très nouveau, malheureusement, et il apparaît que chaque tentative de sortie tourne vite à l’expédition.
En fin de séance, je demande qu’on veuille bien me prêter un fauteuil roulant, et je reviens l’après-midi avec deux collègues pour que nous testions nous-mêmes les conditions d’accès au parc voisin ainsi qu’au centre-ville situé à 200 m. Premier constat : il n’y a même pas moyen de faire le tour de l’Ehpad, car le chemin qui traverse l’espace vert est en gravillons et les roues s’y enfoncent. Deuxième constat : le parc municipal situé juste en contrebas est totalement inaccessible par le portillon qui y donnerait un accès direct, car celui-ci débouche sur un sol naturel non stabilisé et en forte pente – au lieu de 40 m, il faut en parcourir 450 pour arriver au même point par un chemin accessible. Troisième constat : les conditions d’accès à la ville, et à l’autre parc public, sont catastrophiques du fait de l’état des trottoirs, lorsqu’il y en a. Mais le constat encourageant, c’est que les points de blocage ne sont pas si nombreux et que des solutions techniques peuvent permettre de les régler – ce sera un des objets du programme de revitalisation de la ville.
Autre observation instructive : l’engin supposé permettre les déplacements à l’extérieur est inadapté – 37 kilos de ferraille et aucun système de freinage, des roulettes avant qui calent sur une dénivellation de 3 cm, des pneus minces qui s’enfoncent dans un sol un peu meuble, évidemment aucune assistance électrique. « Mais c’est quoi, ce truc ? », voilà la première question qui vient à l’utilisateur néophyte. Il existe pourtant des matériels, du genre tricycles, adaptés à des personnes ayant conservé une certaine autonomie. Pourquoi les Ehpad n’en auraient-ils pas un ou deux à prêter aux personnes les plus valides ? Ou alors considère-t-on en bloc tous les pensionnaires d’un Ehpad comme inaptes à sortir par leurs propres moyens ? N’existe-t-il pas non plus des engins plus commodes que le fauteuil classique pour la personne accompagnante (avec des freins, des roues avant plus larges) ?
Dernier constat édifiant : une pente à 6 %, ça n’a pas grand-chose à voir avec une pente à 4 % quand on doit pousser une charge de 100 kilos. Pour sûr, on ne peut rien contre la topographie naturelle, mais entre 4 et 6 % il y a moyen de compenser l’effet de la topographie par un revêtement de qualité (qui n’est sûrement pas du « stabilisé » !). C’est bien de le savoir par la littérature technique, c’est encore mieux de l’avoir éprouvé dans ses jambes.
Merci à Raphaëlle Assa, urbaniste, et à Magali Touati, paysagiste (bureau d’études TerraTerre) pour leur participation à l’opération.
Bravo!
Une démonstration édifiante pour des solutions pragmatiques et « accessibles ».