Les chiens sont une bénédiction pour le sociotopologue en hiver, car ils arrivent à faire sortir leur maître par tous les temps comme nous l’avons vu par exemple ici sur les bords du Rhin ou là dans un coin de Bretagne. C’est encore ce premier constat qui me vient ce 7 décembre alors qu’il fait aux alentours de zéro et que le givre blanchit les abords du plan d’eau municipal de G., au cœur de la Bretagne. De plus, comme nous l’avons vu également à propos du phénomène de triangulation, les chiens favorisent les échanges entre des personnes qui se croisent, et éventuellement ne se connaissent pas. Ma première observation de ce genre a lieu non pas dans le parc, mais sur une voie verte qui passe à côté, où un couple et une dame avec un chien restent bavarder un bon bout de temps. Voilà qui confirme ce que nous savions déjà (vu ici… aujourd’hui, on fait des révisions !) : les chemins peuvent faire des sociotopes très acceptables s’ils sont suffisamment larges pour qu’on puisse y faire la conversation à plusieurs.
Le parc autour du plan d’eau, la voie verte, me voilà déjà avec deux sociotopes. En m’aidant de ma carte présentée précédemment, j’inspecte au cours de la journée tous les sociotopes potentiels, n’oubliant pas de regarder les poubelles à l’occasion pour voir s’il n’y aurait pas des traces de pique-niques. La place centrale, récemment réaménagée et « paysagée », m’intrigue. C’est un espace très encombré, difficile à traverser et je suis perplexe quant au succès de cet aménagement. J’y passe à plusieurs reprises, je m’y attarde sous le soleil après déjeuner, mais je n’y vois jamais personne, bien que la Ville y ait installé une profusion de décorations de Noël.
Un autre espace vert urbain m’intéresse, c’est un petit amphithéâtre aménagé en contrebas d’une jolie chapelle. Je discute avec le crêpier ambulant qui est installé à côté, il me dit que c’était un lieu de pique-nique très fréquenté par les lycéens et collégiens jusqu’à ce que la Ville supprime, pour réaliser un parking, les arbres qui ombrageaient le lieu. « J’allais souvent ramasser leurs détritus, me dit-il, mais maintenant il n’y a plus besoin, les jeunes ne viennent plus ».
Au nord de la ville, à l’opposé du plan d’eau, se trouve un grand parc municipal entourant un château et parcouru de ruisseaux. L’endroit est commodément accessible depuis la ville et présente des attraits multiples. J’y rencontre pas mal de monde : des promeneurs, des joggeurs, une dizaine de boulistes, deux adolescentes installées à une table de pique-nique et que j’interroge sur leur espace de plein-air favori : il est ici, « parce que c’est calme », réponse classique quand on interroge les gens sur les qualités de leur lieu préféré.
Au terme de ma journée, entre 10 h 30 et 16 h 30, j’ai pu contrôler la totalité de mes « sociotopes potentiels », j’ai discuté avec une douzaine de personnes et j’ai aussi pu fouiner ça et là sur une superficie couvrant environ 120 hectares (coût : 500 € ht la journée, si vous voulez tout savoir). Ce qui s’en dégage, c’est que les deux parcs municipaux situés au nord et au sud du centre-ville « aspirent » à peu près tout le monde, que la voie verte fonctionne aussi très bien, mais qu’en revanche, les places et coins plus ou moins verts du centre-ville n’attirent pas. Reste aussi le mystère de cette place centrale, où les aménagements paysagers donnent surtout l’impression d’être là pour « meubler ». Il me faudra bien sûr revenir – le diagnostic est à présenter en mars, donc pas question d’attendre le printemps, mais une belle journée de février peut être une opportunité à saisir. A suivre !