Étant amené ces temps-ci à faire la tournée des Ehpad (*) de mon secteur, j’en profite pour regarder comment ces établissements s’insèrent dans la vie sociale environnante, ainsi que la qualité des espaces extérieurs proposés aux résidents. On est à la limite de la notion de sociotope puisqu’il s’agit a priori d’espaces réservés à un public spécifique, mais on est un peu dedans quand même, car il peut arriver qu’il y ait comme des « porosités », voire carrément des ouvertures sur l’espace public.
Parmi les trois établissements vus jusqu’à présent, j’en retiendrai deux, qui présentent des conditions contrastées de notre point de vue. Le premier est un établissement privé ancien, lié à une institution catholique, qui hébergeait jadis des « bonnes sœurs » mais est aujourd’hui ouvert à tous publics. Vous avez dû remarquer comme moi que les gens d’Église ont toujours su se réserver les plus beaux coins, c’est pourquoi l’Ehpad en question se trouve dans un parc superbe de plusieurs hectares avec des arbres majestueux, des étangs et des chemins de promenade. Je connaissais déjà les lieux pour m’y être introduit discrètement à des fins naturalistes, jusqu’à ce que le jardinier m’autorise de lui-même à entrer par la grande porte (« Revenez quand vous voulez ! »). J’aurai ainsi constaté qu’aux beaux jours, il y a du monde dehors, pensionnaires et visiteurs utilisant le mobilier de jardin installé aux endroits les plus agréables. De plus, je suis surpris de constater que le parc n’est que partiellement clos – on peut s’en échapper pour aller vadrouiller dans la campagne, si on en a la capacité. Certes, le site est à 2 km de la ville, mais pour les amateurs de verdure il est difficile de trouver mieux.
L’autre établissement, public, situé en lisière d’un bourg rural, est tout neuf et vient d’ouvrir. Un journal local m’apprend que « la proximité de la maison de l’Enfance, du centre de loisirs et du nouvel Ehpad facilitera la création de passerelles intergénérationnelles « nécessaires au bien vivre ensemble dans une collectivité ». L’article ajoute que « la création d’espaces communs comme une place intergénérationnelle ou des jardins collectifs contribuera au bien vivre dans ce quartier ». Engageant, n’est-ce pas ? Voyons donc sur place comment les choses se présentent.
En fait d’espace commun, les 65 résidents disposent d’un espace engazonné de 1000 m², entouré sur trois côtés par des bâtiments et hermétiquement grillagé – le terme « encagé » conviendrait d’ailleurs mieux. L’établissement est ceinturé par le sud par 140 m de voirie donnant accès à un parking et coupant physiquement l’Ehpad de son environnement naturel pourtant tout proche : à 40 m du bâtiment se trouve une petite vallée avec un ruisseau et des bois. Étudiant les plans, je remarque qu’on aurait pu faire l’économie de cette voie ; mais peut-être s’agissait-il, pour les concepteurs, de « faire propre » en marquant une frontière bien étanche entre l’Ehpad et la nature. L’ordre règne ; les petits vieux sont parqués dans leur coin et peuvent s’assoir sur des bancs tous orientés face à des murs, tandis que la nature, inaccessible, est tenue à bonne distance.
Peut-être est-il encore trop tôt pour juger, peut-être les machins intergénérationnels annoncés viendront-ils tempérer cette première impression. Mais s’il me fallait un jour choisir, je préférerais sûrement m’installer au vert chez les bonnes sœurs que de m’enfermer dans cette taule laïque.
Lire également ici : Les sociotopes à l’Ehpad.
(*) Pour nos lecteurs étrangers non familiers avec nos doux acronymes, Ehpad = établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes.
Un constat en effet désespérant sur une maîtrise d’ouvrage et une architecture bien loin de répondre à la construction urbaine du vivre ensemble pourtant annoncés par tant des belles paroles autour du projet.
A quand une démarche réellement participative avec les habitants de l’EPHAD?