En 2020, j’ai fait état ici d’une remarquable étude publiée la même année par des universitaires rennais, et démontrant une corrélation nette entre le niveau de biodiversité d’un espace et le bien-être ressenti par ses visiteurs. Je vous invite à en prendre connaissance, car il y a un rapport avec ce qui suit.
Poursuivant mes explorations nantaises, et après m’être rafraîchi au pied de la cascade du Jardin extraordinaire, je découvre le parc public aménagé dans le fond de l’ancienne carrière, et là une belle surprise m’attend, car les concepteurs de cet espace ont composé avec la végétation qui a spontanément pris possession des lieux. On trouve donc là des ronciers de toute beauté, parsemés de buddléias que des puristes de l’écologie qualifient parfois de plante invasive mais qui sont à leur place dans ce genre de milieu, et qui ont aussi l’intérêt de sentir bon et d’attirer des papillons. Des espèces ornementales ont certes été ajoutées, notamment des genêts d’un jaune pétant qui embaument tout le site, mais pour l’essentiel on a conservé ce que la nature a apporté, en contenant évidemment l’exubérance végétale pour éviter la fermeture des chemins – encore que le risque d’une égratignure de ronce ne soit pas totalement exclu.
La vie est là : des grenouilles coassent dans les mares, des passereaux chantent dans tous les coins, et j’ai même la surprise d’entendre une hypolaïs polyglotte, que j’ai plutôt l’habitude de rencontrer dans des environnements plus sauvages. Le paysage n’a pas grand-chose à voir celui du Jardin des Plantes, tiré à quatre épingles, mais l’environnement sensoriel est riche et les visiteurs semblent ravis – le spectacle des grenouilles n’y est pas pour rien. Pour ma part, ce qui me ravit particulièrement, c’est que ce parc participe discrètement à la pédagogie du « pas propre », amenant mine de rien les urbains à apprécier le charme des plantes spontanées des délaissés urbains, « ces bonnes à rien qui ne savent que vivre », comme disait le botaniste Pierre Lieutaghi. Que le visiteur s’intéresse aux hypolaïs polyglottes, aux phanérogames xérophiles, aux odonates zygoptères, ou à rien de spécial, il apprend ici à faire la différence entre la stérilité sensorielle du « propre » qui caractérise tant d’espaces verts urbains, et la richesse d’une nature à laquelle on fiche un peu la paix par endroits. Voilà donc une réalisation pionnière qui mérite d’inspirer d’autres projets.