Nous avons au moins deux bonnes raisons de nous intéresser aux espaces verts de Chandigarh (Inde, 1,2 millions d’habitants) : d’abord parce qu’il s’agit d’une ville à l’urbanisme planifié, où l’offre d’espaces verts a été prise en compte très en amont, et ensuite parce que mon ami et fidèle lecteur Simon Georget y vit en ce moment et relate ses observations dans une excellente chronique à découvrir ici ; voir également ici, faisant directement écho à mon tout récent article sur les traversées de voies, son texte sur les déplacements doux, avec une petite vidéo très éloquente.
Dès 1952, notre Corbu national proposa un schéma directeur comportant une sorte de trame verte urbaine avant la lettre, mais inspirée des « parkways » américains, irriguant toute la ville à construire et en partie (mais pas tellement non plus) respectée dans les aménagements finaux – on y trouve notamment la bien nommée « Leisure Valley ». En outre, le découpage de la ville en une soixantaine de « secteurs » de 1200 x 800 m (environ 100 ha) visait à offrir aux habitants de chacun de ces quartiers un égal accès à divers équipements et services, dont les espaces verts et aires de jeux. Enfin, la hiérarchisation de la voirie selon sept niveaux pouvait permettre d’offrir un réseau de voies peu circulées ou piétonnes (V6 et V7), a priori adaptées aux interactions sociales et aux jeux.
A l’heure actuelle, la Ville recense 1807 « parcs de proximité » publics allant de 21 m² à 30 ha, pour une superficie totale de 260 ha. A ce total s’ajoutent 114 ha de jardins et 117 ha de « ceintures vertes » (green belts). L’offre est donc substantielle et apparemment assez bien répartie, même si la surface par habitant n’est que de 4,1 m² (il faudrait toutefois vérifier si certains espaces verts périphériques comme le parc du lac Sukhna sont bien inclus dans la liste, ce qui ne semble pas être le cas). Mais pour analyser l’offre, on ne peut se contenter de superficies et, comme nous en avons pris l’habitude ici, on doit s’intéresser aussi aux aspects qualitatifs et à l’accessibilité.
Sur le premier point, le journal Tribune India, dans un article de novembre 2018, pointe les mauvaises conditions proposées aux enfants : sur les quelque 1800 parcs de proximité, « une majorité ont des plantes et des fleurs, on y a installé des bancs et des équipements de gym mais ils sont surtout utilisés par des personnes âgées, ce qui laisse peu de place pour jouer ». Le maire signale d’ailleurs des plaintes de personnes âgées à propos d’enfants jouant dans des parcs. Sous la pression de parents et d’enfants, demandant la réservation d’aires de jeux, le conseil municipal a finalement identifié 99 parcs en vue d’y développer les possibilités de jeux pour les enfants.
Sur l’accessibilité, tant la répartition des parcs que le système de voirie semblent permettre à la plupart des habitants d’accéder commodément à des espaces de proximité à l’intérieur de leur quartier. Là où les choses ont l’air de se gâter sérieusement, c’est lorsqu’il s’agit d’accéder à des parcs rayonnant au-delà de leur seul « secteur » (la « Leisure Valley » ou le lac Sukhna, par exemple), du fait des pénibles conditions de traversée des voies principales. Comme le dit l’urbaniste Matthijs van Oostrum cité par Simon, « Les déplacements s’organisent autour d’une hiérarchie très claire (…). Les vaches sont sacrées et donc en haut de la hiérarchie. Viennent ensuite les bus, les camions, les voitures et les rickshaws. En tant qui piéton, vous êtes en bas de cette hiérarchie, alors n’attendez pas que quelqu’un s’arrête pour vous.« Et pour les vélos, ce n’est évidemment pas mieux (au passage, le magnifique livre L’Équilibre du monde, de Rohinton Mistry, débute par un accident de vélo…).
Ces quelques notes sur Chandigarh, de la part de quelqu’un qui n’y a jamais mis les pieds, ne remplacent évidemment pas l’expertise d’usage. Je compte donc bien sur Simon, dont le statut de père de famille lui donne une autorité particulière en la matière, pour rectifier ou compléter ces propos.