Revitalisation de bourgs et sociotopes

Les opérations de revitalisation de bourgs ruraux se sont multipliées ces dernières années et c’est certainement une bonne chose, même si on a parfois l’impression qu’il s’agit de coller des rustines sur des politiques qui poussaient et continuent de pousser en sens inverse : aujourd’hui encore, bien des élus ne demandent pas mieux que de permettre à la boulangerie du bourg de déménager sur le rond-point de la déviation, éventuellement avec un « drive-in », pour capter les flux de transit et faciliter le stationnement.

Au vu de mon expérience, qui porte sur cinq opérations de ce genre, les cahiers des charges demandent d’étudier les espaces publics, en vue de les « requalifier », ainsi que les déplacements, avec pour objectif louable de promouvoir les « mobilités douces ». Mais je n’ai encore jamais vu aborder explicitement le thème des relations des habitants avec les espaces extérieurs, sous l’angle par exemple des espaces favoris ou évités, de l’accès à la nature, de l’offre et des carences en matière d’espaces verts, ou encore des besoins propres à des publics spécifiques comme les enfants, les jeunes ou les personnes âgées. Dans le dernier cahier des charges que j’ai sous les yeux, les gens et leurs pratiques sont largement absents en tant qu’objets d’observation, et n’apparaissent qu’à la rubrique de la concertation.

Une bonne nouvelle toutefois, c’est qu’il est parfaitement possible d’introduire une démarche de type « sociotopes » dans ce genre de mission, même si le cahier des charges ne la demande pas, et sans pour autant plomber l’offre financière. La solution consiste à coupler la mission « sociotopes » avec des missions imposées par le cahier des charges, de manière à permettre des économies. Ainsi, tant qu’à aller sur le terrain pour mesurer des largeurs de trottoirs ou interroger des commerçants, il n’est pas beaucoup plus long de jeter un coup d’œil aux sociotopes avérés ou potentiels, au moins c’est là une saine activité de plein-air, et tant qu’à faire des enquêtes ou des ateliers avec les habitants, il n’est pas compliqué de prévoir des questions relevant typiquement d’une approche « sociotopes » (« Quel est votre espace extérieur favori », « Comment vous y rendez-vous », « Qu’y aimez-vous, que souhaiteriez-vous voir améliorer », « Y a-t-il des espaces que vous évitez », etc). Ce que le cahier des charges qualifie de « concertation » peut aussi être une occasion de faire de la véritable co-construction de projet avec les habitants, y compris avec des publics souvent laissés de côté comme les enfants et les jeunes. Là, il faut du temps et du budget, mais les élus sont souvent intéressés par ce type d’approche et le prestataire qui la propose peut faire la différence.

Un petit détail : cette façon de travailler nécessite beaucoup de disponibilité, et notamment une capacité à être sur le terrain en dehors des heures ouvrables – en week-end, en périodes de vacances, tard le soir ou lors d’une fête locale, pour permettre des observations riches et capter le maximum de gens variés. Ici, les micro-structures ont une carte à jouer, car aussi « multidisciplinaires » soient-ils, les gros bureaux d’études peuvent être réticents à payer des salariés pour assister à la fête de la saucisse, au concours de la meilleure soupe ou à l’élection d’une reine de beauté. Pourtant, de tels moments apportent sur la vie locale et sur les usages des espaces extérieurs des informations bien utiles, et permettent d’échanger avec des gens qu’on ne rencontrerait pas autrement, notamment ces fameux « invisibles » dont on déplore qu’ils ne participent pas aux réunions publiques.

Un commentaire

  1. Bonjour Jean-Pierre,
    J’ai bien apprécié ta comparaison côtes bretonnes et normandes et ta présentation de ces dernières…

    Pour les « invisibles » notons que de l’autre côté du miroir, les « aménageurs » les sont aussi…
    Qui voit qui ? qui entend qui ?
    Je note au passage que les termes « aménagement » et « aménageurs » sont comme « aphones » et « aveugles » avec le préfixe « a » privatif qui ôte la qualité à suivre et en l’occurrence le « ménagement » qui porte les valeurs de soin, égard, retenue, attention, modération, mesure, j’en passe et des meilleures…

    On se moque assez dans les » milieux autorisés » bien connus de feu Coluche, des mangeurs de saucisses, joueurs de boules ou de palets et autres groupes de pique-niqueurs joyeux et bruyants du dimanche que tu évoque…

    Bonne journée !

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