Nous avons parlé dans ce blog du coin des ados à Die (Drôme), intéressons-nous aujourd’hui à la table des ados à Civray (Vienne), une petite ville dont je vous ai parlé ces derniers temps. A la lisière du centre, en bordure de la Charente, se trouve un parc public généreusement doté en tables de pique-nique. L’une d’elles retient mon attention, car j’y ai vu un groupe d’ados et elle me donne l’impression d’être leur lieu de rendez-vous favori. Retournant sur les lieux, je m’aperçois grâce à des indices d’usure de l’herbe qu’elle est la plus utilisée de toutes. Bien que l’endroit soit bien tenu, il y a là plein de petits déchets qui attestent cette impression d’usage intensif.
La table elle-même confirme que c’est bien là le coin des ados. Elle est couverte d’inscriptions que je regarde de plus près. Pas de grosses b…., curieusement, mais sans doute une majorité d’écritures de filles, avec pas mal de cœurs (j’aurais dû les compter) et divers messages dont la signification m’échappe, sans doute en rapport avec des réseaux sociaux. Rien de très original, ce doit être du marquage de territoire et aussi une forme de communication indirecte, mais un sociologue aurait là-dessus davantage de choses à dire. Ce qui m’intéresse plus spécialement, c’est la localisation de cette table. Comme dans le cas de Die, elle se trouve dans un coin à la fois écarté, sur une marge de l’espace public, et offrant une bonne visibilité sur les gens qui circulent dans le parc – ce qui permet de repérer les copains et copines, tout comme des adultes un peu trop curieux. Enfin, l’endroit ne manque pas de qualités : il est ombragé, à l’abri d’une petite averse et en bordure immédiate de la rivière. On imagine volontiers l’ado comme une créature fruste et mal dégrossie, il n’en reste pas moins qu’il sait se choisir les meilleurs coins, quand on lui en laisse la possibilité.
Au passage, on se trouve dans le secteur où deux personnes m’ont dit qu’ « on n’ose plus sortir le soir », car dans cette toute petite ville de 2700 habitants il y aurait là des groupes de jeunes qui agresseraient verbalement les passants – une affirmation qui fait bien rire d’autres personnes que j’ai interrogées à ce sujet. Comme mon hôtel donne pile sur ce quartier chaud, j’y viens quatre soirs de suite à une heure avancée pour voir ce qui s’y passe mais je ne vois personne, comme quoi il y a quand même il y a des soirs où l’on peut sortir ici sans entendre autre chose que le bruit de ses pas. C’est un tout petit peu rassurant en ces temps d’angoisses sécuritaires.