Sociotopes hivernaux

Janvier est sûrement le pire moment de l’année pour partir observer la vie dans les sociotopes, car c’est le mois le plus froid et l’animation retombe après décembre. Mais les calendriers des études commandent, et c’est ainsi que le 7 janvier au matin, je me retrouve à pied d’œuvre dans ma chère ville natale de Lorient par une température à peine supérieure à zéro. Au passage, les gens par ici ont horreur du froid même sec, et il n’y a rien de tel qu’une journée de crachin à 12° pour les faire sortir.

A peine garé dans un quartier HLM, je vois une fumée prometteuse s’élever au-dessus du barbecue collectif, et il y a là un homme en train de faire griller une belle quantité de côtes de porc – le genre d’activité qu’on s’attend davantage à trouver par un beau soir d’été que par une froide matinée hivernale. Il est Roumain et maîtrise très mal le français, mais il m’explique que c’est son anniversaire et qu’il est en train de préparer une ripaille collective. Je le félicite, et me réjouis que cette journée de sociotopologie débute d’une façon aussi prometteuse.

Un peu plus loin, le parc central de la ville est seulement traversé par des gens pressés et la séance s’annonce ingrate. Pourtant, au moment de partir, je vois arriver deux jeunes filles qui cherchent manifestement un endroit pour consommer des victuailles qu’elles viennent d’acheter au McDo. Elles tentent d’abord de s’installer sur un curieux dispositif que je viens de photographier : quatre sièges haut perchés, entourant une minuscule table en bois. Celle-ci est tellement minuscule qu’elles n’arrivent même pas à y poser leurs affaires. Elles se dirigent donc vers des chaises longues en bois où elles peuvent étaler leurs achats et prendre leurs aises. Coup double : ceci me permet d’observer que l’équipement prévu pour une pause casse-croûte est mal conçu et inapproprié, et que les chaises longues peuvent être détournées de leur fonction pour servir d’espace de pique-nique. Une leçon pour les concepteurs et installateurs de mobilier urbain !

La suite de la journée est moins gratifiante car la plupart des espaces verts sont déserts, mais grâce au soleil revenu dans l’après-midi, je vais pouvoir faire quelques belles observations le long du quai des Indes : sous le soleil exactement, richement doté en bancs et en corniches permettant de s’asseoir dans différentes positions face aux bateaux de plaisance, ce mail semble avoir attiré aujourd’hui tous les flâneurs de la ville. Une bonne exposition et le « contact avec l’eau », comme on dit dans les protocoles d’enquête sur les sociotopes : voilà deux bonnes recettes du succès, et comme les gens attirent les gens (1), ce lieu est sûrement aujourd’hui le plus attractif de la ville – pour y avoir parcouru 9 km à pied, je peux l’affirmer sans prendre trop de risques.

A suivre !

Voir aussi dans ce blog : Le vin chaud au secours des sociotopes

(1) Notre vénéré maître W.H. Whyte déclarait quelque chose comme « What attracts people, it seems, are other people ».

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