Le film-documentaire Adolescentes, de Sébastien Lifshitz, est actuellement visible au cinéma. Tourné à Brive durant cinq ans, il nous fait suivre le parcours de deux amies, Emma et Anaïs, depuis les « années collège » jusqu’à l’entrée dans leur vie d’adultes. On y retrouve un peu le principe de la série télévisée « Que deviendront-ils ? », qui avait suivi un groupe de collégiens entre 1983 et 1993 et m’avait fait une forte impression, car même si cette série – comme d’ailleurs le film de Lifshitz – ne prétendait soutenir aucune thèse, elle confrontait violemment le spectateur au poids des déterminismes sociaux et culturels.
On peut trouver de nombreuses raisons de s’intéresser à cette œuvre passionnante et attachante, y compris sous l’aspect « sociotopes ». La vie quotidienne d’Emma et Anaïs se partage en effet pour l’essentiel entre le domicile familial, l’école, et l’espace public. Celui-ci se présente sous des formes variées – un muret pour s’asseoir et parler face au soleil couchant, un banc dans un parc urbain, une rue pour s’initier au skate, un bord de rivière pour une balade entre copines, ou encore la plage – il doit probablement s’agir de la base de loisirs du Causse Corrézien à Lissac-sur-Couze, qui semble être un des sociotopes favoris des jeunes de la région. A la différence des scènes tournées à la maison ou à l’école, qui sont souvent des moments de tensions, les espaces publics correspondent à des parenthèses de détente, propices à la complicité et aux confidences – on parle de ses rêves, on échange des premiers baisers, on commente les beaux mecs à la plage tout en évoquant avec envie ou fatalisme la « première fois » à venir… Cette détente n’est pas celle de l’adulte « accompli », qui digère béatement ses merguez vautré dans une chaise longue à l’ombre de son camping-car, elle est empreinte de fragilité, de fugacité et d’interrogations.
Ces moments privilégiés qui parsèment le film nous rappellent à quel point les espaces publics, urbains ou naturels, sont nécessaires à la construction des adolescents, parce qu’ils sont des lieux et des moments de liberté à l’abri du regard soupçonneux des adultes.
Voir aussi dans ce blog : L’arbre de l’amitié et le rocher kit-kat.
vu également ce très chouette documentaire, j’avais perçu davantage la dimension sociologique que sociotopique, mais c’est une analyse très juste ! l’intérieur n’est pas le lieu de l’apaisement, dans les deux familles….