Nous avons présenté il y a quelques jours le très intéressant travail réalisé sur l’offre d’espaces verts dans le cadre du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de Plaine Commune, en Seine-Saint-Denis. En y regardant de plus près, on mesure à quel point il est difficile d’évaluer avec une précision satisfaisante la « desserte en espaces verts » dans un territoire donné, et on comprend mieux l’intérêt de disposer d’outils d’analyse s’approchant au plus près de la pratique réelle des usagers.
Prenons par exemple le cas du petit parc communal Francis Auffray, à Stains, qui figure parmi les 116 sociotopes étudiés et que le site internet de la commune décrit comme « terrain multisports, jardin paysager, pelouse, jeux pour enfants ». Comment pouvons-nous évaluer son attractivité réelle, et de quels outils disposons-nous pour cela ? C’est l’exercice auquel je me suis livré sur la carte ci-dessous (vous pouvez cliquer dessus pour l’agrandir).

Le cercle le plus large correspond au « périmètre d’attraction des espaces verts publics (1 km) » défini par le rapport du PLUI (p. 40), notion sur laquelle la collectivité se base pour affirmer que « l’ensemble du territoire de Plaine Commune est à moins d’un kilomètre (15 minutes à pied) d’un espace vert public ». Notons que cette approche n’est pas très exigeante, car comme nous l’avons souvent vu, la distance de marche pour une pratique fréquente à partir du domicile serait plutôt de 300 m, ce qui change énormément la donne. Elle n’est pas non plus différenciée, car elle traite de la même manière des grands parcs à forte attractivité (comme le parc Georges Valbon, situé en bas à droite de la carte) et des espaces verts de quartier, comme celui qui nous intéresse. Enfin, elle n’est pas non plus très concrète, car le rapport reconnaît qu’elle est établie « en théorie, sans tenir compte des difficultés d’accessibilité locales ».
Une autre méthode consisterait à utiliser la fonction « isochrones » fournie par le site Géoportail pour intégrer les trajets réels. En conservant un temps de marche de 15 mn, on voit que l’aire colorée en vert clair est bien plus réduite que celle définie par le rayon d’un kilomètre « à vol d’oiseau » – car les humains n’ont pas la chance d’être des oiseaux. On a donc là une approche nettement plus réaliste, même si le postulat d’une attractivité à 15 mn de marche est discutable.
On peut aussi utiliser la même méthode pour un temps de marche de 5 minutes, soit environ 320 m (aire centrale en vert foncé). L’aire couverte passe alors de 315 ha (pour un rayon d’1 km) à une trentaine d’hectares, et la population desservie passe, à vue de nez, de quelques milliers d’habitants (l’aire large inclut de gros quartiers d’habitat collectif) à quelques centaines (on est surtout dans du pavillonnaire).
Notons par ailleurs que l’étude sus-mentionnée propose également (p. 40) une carte des aires d’influence dont la méthode n’est pas précisée, mais qui semble basée sur un travail d’enquête et qui, elle, permet une approche différenciée selon les espaces verts. Elle est retranscrite approximativement sur la carte ci-dessus et semble représenter une approche réaliste de la pratique par les usagers, car certains sont probablement prêts à marcher un peu plus de cinq minutes pour aller au parc. Nous remarquons au passage qu’avec cette méthode, l’assertion selon laquelle l’ensemble du territoire serait correctement desservi en espaces verts ne tient plus et qu’au contraire, de nombreuses situations de carence apparaissent (voir carte ci-dessous, malheureusement de qualité médiocre, faisant apparaître en haut le jardin Francis Auffray).

Dans la rubrique des difficultés pratiques qui peuvent décourager de fréquenter un espace vert, signalons que près de la moitié de l’aire d’influence de notre jardin est séparée de celui-ci par une voie ferrée, et ne lui est reliée que par un étroit boyau passant sous les voies, cf image Google Maps ci-contre. Pas très engageant…
Retenons de cet exercice que la notion – assez paresseuse, à vrai dire – de distance en ligne droite est complètement inappropriée à notre sujet, qu’elle peut être remplacée très facilement par une notion de trajet réel basée sur des isochrones, que la notion de complexité de parcours peut aussi être analysée assez simplement par un outil tel que DepthMap, et enfin, qu’un travail d‘enquête peut permettre de s’approcher encore un peu mieux de la réalité – suffisamment, sans doute, pour un PLUI qui couvre un grand territoire.
Voir aussi dans ce blog : « On n’est pas des oiseaux ! » ; « Isochrones : encore des progrès ! » ; « testé pour vous : DepthMap ».