Dans le parc de cette commune évoquée à l’article précédent, un arbre se distingue : il s’agit d’un grand saule pleureur qui, comme tout saule pleureur qui se respecte, a des branches qui retombent jusqu’au sol, formant comme un parasol géant avec un rideau tout autour. Par temps de canicule, il fournit une ombre épaisse, d’autant plus appréciable que l’ambiance des alentours est du genre steppique, et il se trouve que le service Espaces verts a eu la lumineuse idée d’installer en-dessous une table avec des bancs.
Je ne tarde pas à repérer qu’il s’agit du coin favoris des ados, ce qui me sera confirmé par plusieurs témoignages. Deux grandes adolescentes (17 et 18 ans) sont installées là, pour le plaisir de bavarder dans un lieu qu’elles décrivent comme « reposant ». L’une d’elles ajoute : « Sous cet arbre, on se sent protégées », ce saule ayant un peu le même genre de fonction que les cabanes d’enfants – une niche à soi, que l’on partage entre copains. Elles restent là un bon bout de temps, et à peine sont-elles parties qu’un groupe de quatre garçons de 16/17 ans prend possession des lieux – « On attendait que les filles partent », dit l’un d’eux. « On aime bien avoir des endroits à l’ombre ou avec un auvent pour se rencontrer« , me dit un autre. « Il y en avait un près de la salle des fêtes mais il a été enlevé, alors on vient ici ». Ces observations confirment que les ados ont besoin d’avoir des coins à eux, à la fois abrités des regards mais permettant de voir ce qui se passe autour, et aussi que de tels lieux ne sont pas si répandus dans les espaces extérieurs, d’autant que les autorités locales peuvent être tentées de les éliminer pour éviter les « problèmes avec les jeunes ». Ici, c’est l’heureuse conjonction d’un bel arbre et d’un mobilier urbain qui offre aux jeunes un « tiers-lieu » apprécié.