Les « indésirables » (3)

(suite de la traduction de « The Social Life of Small Urban Spaces », de W.H. Whyte)

L’électronique [se rapporte à la vidéo-surveillance] ne peut pas surpasser l’être humain, et il est caractéristique pour un endroit qui marche bien d’avoir un « maire ». Ce peut être un gardien d’immeuble, un kiosquier ou un marchand ambulant. Observez-le, et vous verrez des gens entrer en contact avec  lui à longueur de journée –  un policier, un chauffeur de bus, divers professionnels de la voie publique, ainsi que des employés de bureau ou des clients qui s’arrêtent brièvement pour le saluer ou pour blaguer. Les maires des plazas sont de grands centres de communication, et ils sont prompts à repérer tout ce qui sort de la normale – des gens comme nous, par exemple. Lorsque nous rendons dans un lieu et commençons à observer – avec discrétion, aimons-nous à croire -, les habitués ne sont pas longs à nous repérer, pour une bonne raison : nous ne bougeons pas. Il ne se passe pas longtemps avant que quelqu’un arrive et découvre ce que nous faisons.

Un des meilleurs maires que j’aie jamais vus est Joe Hardy, de l’immeuble Exxon. Il est à la fois un acteur et le gardien de l’immeuble, et à l’origine, il avait été embauché par Rockefeller Center pour jouer le Père Noël, auquel il ressemble. D’habitude, les gardiens ne sont pas supposés engager la conversation, mais Joe Hardy est sociable et a un excellent sens de la situation. Mettons qu’il y ait deux personnes âgées un peu perdues. Il n’attend pas qu’elles viennent lui demander leur chemin, c’est lui qui va vers elles et leur offre son aide. Ou encore, si deux filles se prennent en photo, il va leur proposer de les photographier ensemble.

Joe est plutôt tolérant à l’égard des poivrots, pour autant qu’ils ne dérangent pas les gens. Mais il repère très vite les problèmes sérieux. Les groupes d’ados sont un défi particulier pour lui. Il aime bien les tester, quand ils utilisent comme une arme le volume de leur radio portable. Sa tactique est d’aller vers celui qui a l’air le plus dur et de lui demander son aide pour calmer les choses.

A la différence de Joe, la plupart des gardiens sont des atouts sous-utilisés. En général, ils se contentent d’être là, et faute d’avoir grand chose à faire, ils développent des sortes de tics. L’un agite ses bras mécaniquement d’avant en arrière, l’autre se balance sur ses talons. Quand vous les observez, vous vous demandez avec fascination à quel moment ils vont à nouveau se plier. Le métier de gardien devrait être mieux valorisé.

Plus un gardien a de choses à faire, mieux il les fait, et mieux l’endroit fonctionne. A Paley Park, on pensait à l’origine qu’il y aurait besoin de gardiens spécialisés dans la sécurité, en plus des gens chargé du nettoyage et de la vente au kiosque. Pourtant, les deux hommes qui s’occupent de l’entretien font tellement bien leur travail qu’il n’y a besoin de personne pour la sécurité. De même, les gardiens de Greenacre Park  ressentent le plaisir du propriétaire. Ils sont des hôtes, amicaux avec tout le monde, en particulier avec les habitués, qui leur servent un peu de force d’appoint. Si quelqu’un enfreint une règle, par exemple en roulant à vélo, il y a de bonnes chances que ce soient les habitués qui le remettent dans le droit chemin.

Photo : gardien à Bryant Park, New-York.

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