Densification urbaine et espaces verts : un exemple instructif

Ouest-France du 4 juin 2019 relate un cas intéressant de polémique au sujet de la possible urbanisation d’un espace vert de quartier, dans le cadre de la révision du Plan local d’urbanisme (PLU). L’affaire se passe dans une ville bretonne de 22 000 habitants, où ledit projet de PLU prévoit des « orientations d’aménagement et de programmation » (OAP) sur un secteur de 2 ha comportant d’une part un ancien parc de manoir, et d’autre part un jardin public de 6450 m². Les terrains du manoir doivent accueillir un établissement d’hébergement spécialisé, tandis que le jardin public est affecté à de l' »habitat individuel dense à intermédiaire », avec une densité d’une quarantaine de logements à l’hectare.

La partie du projet concernant le jardin inquiète les riverains, dont l’argumentation ne manque pas d’intérêt : « La qualité de vie dans ce lieu de détente et de repos est à préserver ». « C’est un lieu intergénérationnel, qui a du sens. Les enfants y font du vélo, de la trottinette, des jeux collectifs. Les adultes y jouent à la pétanque ou viennent pique-niquer. » « Et moi je suis un homme heureux, qui passe son temps à regarder les gens. J’irai où si ce jardin disparaît ? ». Il est également indiqué que « ce lieu est considéré comme le seul espace vert arboré et sécurisé » d’un secteur urbanisé de près de 7 ha et, si l’on se réfère à l’outil « isochrones » de Géoportail, on constate que ce jardin est à moins de 10 minutes de marche pour 80 à 90% des habitants du quartier. Pas besoin d’outils d’analyse urbaine sophistiqués pour constater que ce lieu a un fort potentiel social.

La réponse de la Ville est que le projet d’hébergement spécialisé est prioritaire et que « les autres orientations inscrites dans l’OAP pour la place de la Libération (= le jardin public) ne font aujourd’hui l’objet d’aucun projet. La Ville invite également les riverains à s’exprimer lors de l’enquête publique qui s’ouvre le 12 juin. On comprend que « le coup est rattrapable », mais n’aurait-on pas pu faire l’économie de cette polémique si le PLU avait commencé par identifier clairement la valeur d’usage social du jardin public, et en avait tiré les conséquences en préservant cet espace ? On constate ici, une fois de plus, que l’offre d’espaces verts et plus largement le potentiel d’usage social des espaces ouverts demeurent des questions très largement ignorées des documents de planification – sans doute, nous l’avons déjà souligné, parce qu’aucune disposition légale n’impose de s’y intéresser, et aussi parce qu’en l’absence de données disponibles, il y a du travail de terrain à faire, ce qui prend un peu de temps. Le cas exposé a l’intérêt de rappeler que de telles économies peuvent avoir un coût.

Illustration (source : GoogleEarth) : l’emprise totale de l’OAP en jaune, celle de l’espace vert en violet.

Date de l’article d’origine : 11 juin 2019

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