« Radio Lavoir » n’est pas encore morte !

Il fut un temps où le lavoir était un haut-lieu de la sociabilité féminine dans les campagnes, à l’image du café pour les messieurs. Aujourd’hui, la plupart des lavoirs sont dans un triste état : le bassin, alimenté par un filet d’eau anémique, est recouvert d’algues filamenteuses brunâtres à l’aspect pustuleux, les murs en ciment se lézardent, les orties envahissent les abords… et il faut aller en Finlande pour trouver des lavoirs encore bien vivants, en général implantés sur des lacs et spécialisés dans le nettoyage des tapis. Pourtant, en cherchant bien, on trouve encore des lavoirs actifs chez nous – comme celui de la photo ci-contre, prise récemment dans la commune morbihannaise de Riantec, mais où il n’y a qu’une seule personne.

Il y a quelques jours, à l’occasion de prospections naturalistes, je découvre près de chez moi un lavoir dont je ne connaissais pas l’existence. Caché dans un vallon arboré, au fond d’un chemin creux à l’écart d’une route de campagne, il n’est signalé sur aucune carte. Pourtant, il y a là une dame, 80 ans bien sonnés, occupée à laver son linge. J’engage la conversation avec elle et je lui demande si elle ne se sent pas un peu seule dans cet endroit retiré. Elle me répond qu’elle aime bien être tranquille, mais que pour la conversation, il faut venir le mardi où quatre personnes ont l’habitude de se retrouver ici. Elle m’explique qu’elle pourrait faire la lessive chez elle mais qu’elle aime bien être ici dans la nature, même en hiver. Ancienne aide-soignante, elle a les moyens d’avoir un lave-linge mais cet ustensile ne l’intéresse pas. Voilà qui relativise un peu les propos d’un élu local, qui me disait récemment que les lavoirs ne sont plus utilisés que par des personnes du « quart-monde ».

Quelques jours plus tard, je retourne sur les lieux en soirée. Pas de lavandière, mais trois adolescentes du village d’à côté, qui ont l’habitude de venir ici pour bavarder tranquillement – c’est leur « tiers-lieu » à elles, pour reprendre le jargon à la mode. L’endroit n’est pas trop mal : entouré de talus et de grands arbres, le lavoir est clair, l’eau glougloute joliment et les petits oiseaux chantent à qui mieux mieux – je relève d’ailleurs 20 espèces nicheuses dans les haies environnantes, probablement un record pour la commune, ce qui tend une fois de plus à confirmer qu’un bon biotope peut faire un excellent sociotope.

Date de l’article d’origine : 28 mai 2019

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