Les skateparks, les city-stades et les filles

Voilà un sujet que nous avons déjà abordé récemment, nous y revenons avec un article publié aujourd’hui par Ouest-France sous le titre « MJC, skateparks… Les villes sont-elles machos ? ». Il s’agit d’un entretien avec le géographe bordelais Yves Raibaud, dont nous avons déjà parlé. Celui-ci constate que « environ 75% des budgets loisirs des communes profitent aux garçons », par le fait que dans leur apprentissage de la spatialité, les garçons sont amenés à consommer beaucoup d’espace tandis que les filles se partagent ce que ceux-ci veulent bien leur laisser. S’agissant des stades de foot, « on a construit ces structures pour canaliser la violence des hommes, ils sont censés en sortir apaisés, laisser traverser les vieilles dames et rentrer tranquillement à la maison. En réalité, ce n’est pas le cas. Ces lieux construisent ce qu’on prétend combattre : ils génèrent une excitation collective, de l’agressivité, tournées autour de la compétition entre les hommes ». En ce qui concerne les skateparks et city-stades, « ces équipements sont implicitement dédiés aux garçons, qui les occupent quasiment à 100 %. Les filles évitent ces lieux de compétition masculine (…). Cette compétition soude la loyauté du groupe autour des leaders dominants, au prix de l’exclusion de ceux qui ne sont pas dans la virilité affichée. Pourtant, on continue, dans l’aveuglement général, à construire des city-stades et des skateparks« .

Sur la question de savoir « Que faire ? », notre géographe est moins disert, misant sur la parité en politique et les « budgets genrés ». Mais tout cela ne nous aide pas à savoir ce qu’il faut faire dans notre commune morbihannaise de Noyal-Muzillac, où les concertations auprès des jeunes ont fait émerger le besoin d’un skatepark (ou équipement apparenté), demande à laquelle les élus s’apprêtent à répondre. Contrairement à ce que j’avais imprudemment laissé entendre dans un récent article, et vérification faite dans les questionnaires, il n’y a pas autant de filles que de garçons à demander un skatepark ou un city stade : elles sont seulement 10,6 %, contre 32,5 % pour les garçons, le rapport est donc du simple au triple. Et parmi les cinq filles demandant ce genre d’équipement, combien en feraient réellement usage ?

Faut-il alors ne pas créer cet équipement, au motif qu’il risquerait de ne pas profiter aux filles alors que la demande des garçons est forte – en d’autres termes, faudrait-il pénaliser tout le monde, ce qui serait une curieuse application du principe d’égalité ? Faut-il réaliser un équipement « pour les filles », mais lequel ? Un coin confortable d’où elles puissent admirer les mecs en train de s’éclater sur le skatepark ? On retrouverait là les bons vieux stéréotypes. Mais un élément de réponse nous est peut-être fourni sur place. Car la commune a une équipe de foot féminine (voir photo), et pour ce qui est de savoir comment se dépenser et occuper l’espace, ces jeunes personnes peuvent sûrement en remontrer à leurs camarades masculins. Le mouvement international « Futebol da força » insiste d’ailleurs sur la vertu émancipatrice du foot pour les filles. Au-delà de ces initiatives locales, il y a bien sûr un gros travail à faire à l’école pour démolir les stéréotypes de genre. Nous en reparlerons, car dans cette commune de Noyal-Muzillac, après avoir exploité les questionnaires auprès des enfants, nous allons bientôt revenir vers les élèves et leurs enseignants pour leur faire part de nos observations.

Date de l’article d’origine : 11 décembre 2018

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