Un espace public qui marche bien, c’est très souvent un endroit où il y a de l’eau et où les gens peuvent s’en approcher. Une simple pièce d’eau peut faire l’affaire, c’est pourquoi tant de communes ont leur plan d’eau municipal, avec un chemin et des bancs autour, voire un coin pique-nique et une aire de jeux pour les enfants. La recette est simple et fonctionne bien. Il y a juste un petit problème : certains plans d’eau sont établis sur des ruisseaux, et posent divers problèmes écologiques, entre autres du fait que le barrage du cours d’eau perturbe la circulation de la faune et interrompt la continuité biologique. Or, l’État et les collectivités locales se sont lancés depuis quelques années dans des opérations de « rétablissement de continuités biologique » impliquant la suppression d’étangs, de manière à remettre des cours d’eau dans leur état d’origine. Et il arrive que de tels projets se heurtent à de fortes oppositions locales, lorsque la re-création de biotopes risque de faire disparaître des sociotopes appréciés.
Un article paru dans Ouest-France d’aujourd’hui pose bien le problème, à partir de l’exemple du plan d’eau communal de Kergoff, en lisière du bourg de Caudan (Morbihan). Dans ce cas, c’est la municipalité qui a décidé la suppression du plan d’eau, sujet à des problèmes d’eutrophisation et de proliférations d’algues. Cette décision suscite des polémiques, fondées non seulement sur des considérations d’agrément et d’usages par les promeneurs, mais aussi sur des arguments écologiques, car n’importe quel plan d’eau qui interrompt une continuité biologique peut aussi constituer un biotope intéressant. Cette affaire m’en a rappelé une autre, la première du genre en Morbihan : il s’agissait de la suppression et de la renaturation de l’étang de Pontcallec, en 2012. Les services de l’État avait alors profité d’une vidange accidentelle de l’étang pour supprimer celui-ci et rétablir le cours antérieur du ruisseau sur lequel il était établi. Le plan d’eau et son environnement boisé, ainsi que sa queue marécageuse, formaient un superbe paysage et là encore, il s’agissait là d’un lieu de promenade très apprécié et d’un ensemble de groupements végétaux intéressants. Six ans après, il reste des promeneurs, qui ont le plaisir de voir le ruisseau couler librement, mais dans un environnement radicalement modifié puisqu’une abondante végétation s’est installée sur les étendues de vase.
Il est très difficile d’établir un bilan complet de telles opérations, dont les bénéfices écologiques sont censés l’emporter sur les inconvénients au regard du paysage, des usages par le public et aussi… de l’écologie. Je me garderai bien de prendre une position sur un sujet aussi complexe, mais je suggère tout de même qu’avant d’engager ce genre de projet, il serait bien d’en analyser les impacts sur les valeurs d’usage social, même si aucune législation ne l’exige. Cela pourrait au moins aider à trouver des mesures compensatoires adéquates en faveur des usagers, et à faire mieux comprendre le bien-fondé de ces opérations.
Date de l’article d’origine : 15 septembre 2018.
Photo : le site début 2020.