Exploiter des cartes mentales

En mars 2017, nous avons présenté ici l’outil de la carte mentale et montré en quoi celle-ci peut aider à comprendre les relations entre des habitants et un territoire qu’ils fréquentent, quelle que soit sa taille. Mais il n’a pas tellement été question de la manière d’exploiter ces documents pour en retirer des informations utiles.

S’agissant de cartes mentales d’enfants, par exemple, on peut toujours les accrocher à un mur comme un dessin de fête des mères et trouver que c’est joli et attendrissant, mais cela ne nous avance pas tellement  quand on travaille sur un projet urbain. Il y a des gens dont c’est le métier d’interpréter des travaux d’enfants, mais quand on n’en fait pas partie, et qu’on n’a pas envie de jouer au psychanalyste du dimanche en cherchant des significations cachées dans les dessins des arbres et des maisons, mieux vaut avoir des éléments de méthode basiques. Voici quelques suggestions.

1) La première chose à faire, pendant le dessin des cartes, est de noter l’ordre dans lequel sont placés les éléments, et éventuellement les débats qui peuvent avoir lieu entre les participants. Cela permet de voir immédiatement les lieux ou les thèmes qui paraissent prioritaires, parce qu’ils viennent tout de suite à l’esprit.

2) Une fois les cartes terminées, on peut rechercher s’il existe des éléments centraux, autour desquels la carte s’organise. Là aussi, l’observation du processus de construction peut apporter un éclairage. S’il n’y a pas d’élément central (par exemple l’église ou la mairie), il peut y avoir des éléments structurants. Ainsi, les adultes déploient souvent beaucoup d’efforts pour dessiner le réseau des routes et des rues, parfois même avec les giratoires. A l’inverse, les enfants négligent généralement cet aspect : les éléments figurés semblent « flotter » dans l’espace, seuls figurent quelques trajets qui leur sont familiers.

3) L’essentiel du travail d’analyse consiste à recenser, pour chaque carte, les éléments représentés, ce qui permet de comparer les cartes et de voir se dégager de grandes tendances, avec des éléments que l’on trouve partout ou souvent, et d’autres qui sont mentionnés rarement. Dans la commune sur laquelle je travaille actuellement, l’église apparaît quasiment partout (17 cartes sur 18), sans doute pas parce qu’elle correspond à une pratique particulière mais parce qu’elle est un point de repère et un élément de centralité évident. Le fait que la mairie apparaisse sur les 18 cartes semble nettement plus intéressant, car le bâtiment n’est pas spécialement remarquable. Pourquoi les enfants la connaissent-ils si bien ? A l’opposé, la bibliothèque n’apparaît que trois fois : cela reflète un réel problème, confirmé tant par les entretiens que par l’analyse de visibilité. Cet équipement est placé dans un recoin peu visible, ce qui n’incite pas à le fréquenter.

4) Lorsqu’on a fini de recenser ce qui figure sur les cartes, on peut s’intéresser à ce qui n’y figure pas, et que l’observateur pourrait s’attendre à trouver. Tout comme le « non-dit » du langage, le « non-montré » des cartes mentales peut être éloquent.

Parce que les cartes mentales ne parlent pas toutes seules, il faut les interpréter. Le principal danger serait de les « surinterpréter », en prétendant voir dans les dessins ce que les participants n’ont pas forcément voulu y mettre. A cet égard, la méthode proposée peut sans doute paraître simplette à des spécialistes, mais elle permet au moins d’éviter de tels dérapages. Cela n’interdit évidemment de compléter l’analyse par d’autres approches.

Date de l’article d’origine : 7 octobre 2018

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