Lorsqu’on interroge des enfants et surtout des adolescents sur l’équipement dont ils auraient le plus envie près de chez eux, c’est en général le skatepark qui arrive en premier. Cette attente soulève quelques questions, car même si le skate connaît un grand succès, ses adeptes ne sont pas aussi nombreux que ce que pourraient suggérer les enquêtes. En outre, un skatepark est un équipement relativement coûteux (de l’ordre de 100 000 à 200 000 € pour des modèles de base) que toutes les communes ne peuvent pas se permettre, surtout quand leurs priorités vont à l’aménagement de giratoires. On peut donc se demander quels sont les besoins sous-jacents, et s’il n’est pas possible d’y répondre autrement que par ce type d’équipement.
1) Le premier besoin est celui d’activité physique, qui ressort spectaculairement des 87 questionnaires en cours d’analyse dans une commune du Morbihan. Ces questionnaires s’adressaient à des élèves de niveaux CE2 / CM1 / CM2, ils seront très bientôt complétés par des entretiens avec les ados, mais le plaisir de se dépenser physiquement est ici quasi unanimement exprimé. Les pratiques qui répondent à ce besoin peuvent être collectives (football, handball…) ou plus ou moins individuelles (virées à vélo, seul ou avec des copains).
2) Le second besoin est celui de sociabilité. « Rencontrer des copains », « être avec des copains », voilà encore un thème qui fait presque l’unanimité – il y a bien quelques solitaires çà et là, sans que l’on sache toujours s’il s’agit d’une inclination ou d’un isolement subi. Il est essentiel que les enfants et les jeunes disposent de lieux de rencontre pour y pratiquer des activités communes, ou même aucune activité particulière autre que la conversation.
3) Le troisième besoin est celui de la démonstration. Cela n’apparaît pas forcément dans les entretiens, mais il suffit d’observer un skatepark fréquenté pour constater que celui-ci est une scène où l’on vient pour voir et être vu. Tout le monde n’est pas là pour se donner en spectacle, mais certains sont ravis de faire voir leurs prouesses à un public admiratif. L’observation des rôles sur un skatepark serait d’ailleurs un beau thème de recherche.
4) Le quatrième besoin est celui de rouler. Voilà encore un plaisir presque unanime chez les enfants : pouvoir rouler avec n’importe quoi – en trottinette, à vélo, en rollers, mais rouler. Et là, les choses se compliquent rapidement dès que l’on arrive sur la voie publique, qu’il faut partager tant bien que mal avec les voitures.
J’ajouterais bien à la liste la tentation de la prise de risque, qui va de pair avec l’activité physique et aussi avec la démonstration. Ce thème est minoritaire, mais il y a toujours des candidats pour risquer la grosse gamelle, que ce soit en skate ou à VTT.
Si le skatepark est capable de répondre à tous ces besoins en même temps, d’autres équipements ou lieux peuvent-ils remplir les mêmes fonctions ? C’est sûrement le cas de certains espaces naturels, notamment pour la pratique du VTT, mais il peut s’y poser des problèmes de sécurité en cas de très grosse gamelle. C’est aussi le cas de certains espaces urbains, même dans le plus modeste bourg rural, qui pourraient être rendus beaucoup plus accueillants à tous ceux qui aiment rouler, ne serait-ce qu’en dégageant les voitures qui les encombrent. D’une manière plus large, beaucoup d’enfants réclament des pistes cyclables, tant pour leurs déplacements utilitaires (aller à l’école…) que pour leurs loisirs. Même si ce genre d’équipement ne répond pas aux mêmes besoins qu’un skatepark, ce peut être une façon d’investir l’argent du contribuable dans un aménagement durable (dans tous les sens du terme) et pouvant profiter à tout le monde.
Date de l’article d’origine : 27 septembre 2018