Le football est une activité éminemment sociale qui a sa place dans les sociotopes et il ne me viendrait donc pas à l’idée d’en dire du mal, en tout cas pas publiquement, et d’ailleurs Pierre Desproges a écrit là-dessus des choses définitives qui rendraient le propos sans intérêt. Toutefois, nous nous permîmes naguère, dans ces colonnes, de signaler que le terrain de foot est un équipement qui prend pas mal de place et que, lorsqu’il est réservé à l’usage exclusif des footballeurs, sa valeur de sociotope est plutôt maigre, à la différence de la « prairie polyvalente » qui peut servir tour à tour pour les jeux de ballon informels, les foires, les fêtes ou les pique-nique dans l’herbe. On remarque d’ailleurs que lorsqu’un terrain de foot occupe une position centrale dans un bourg ou une ville, la municipalité peut être sérieusement tentée de le déplacer pour faire autre chose à la place.
Un exemple nous vient aujourd’hui de la commune costarmoricaine de Languédias (500 habitants), qui en 2015 a reconverti les deux-tiers du terrain de foot municipal en jardin potager, botanique, fruitier, rucher, serre pédagogique pour l’école, et aire de jeux divers, l’ensemble avec un caractère « intergénérationnel ». Une AMAP locale y distribue les paniers chaque semaine. Encore plus fort, la commune a aménagé une aire de dépose pour les scolaires à l’écart de l’école, de manière à ce que les enfants accèdent à celle-ci en traversant ledit terrain par un itinéraire bordé de fleurs et d’espaces de jeux. Ce dispositif oblige les enfants à marcher (sur 100 mètres), ce qui leur permet de se bouger un peu et évite aux voitures des parents d’encombrer les abords de l’école. Au surplus, c’est une incitation à utiliser quotidiennement un espace fait pour eux. L’idée d’écarter la voiture des abords des écoles et d’inciter les enfants à venir à pied reste encore un peu révolutionnaire dans ce pays, mais l’exemple de Languédias montre une voie à suivre – qui suppose d’ailleurs une bonne planification de l’urbanisme et des équipements publics.
Mais au fait, que sont devenus les « footeux » ? Ils se contentent aujourd’hui d’un terrain de 2200 m² au lieu de 6600 auparavant, une surface « mieux dimensionnée à l’échelle de nos équipes », comme l’indique la mairie – en l’occurrence, la longueur du nouveau terrain correspond à la largeur de l’ancien. Cet effort de partage de l’espace et de densification des équipements et des pratiques méritait aussi d’être souligné.
Photo : Google Earth. On aperçoit l’école à gauche, l’aire de dépose à droite, l’espace de jeux traversé par le chemin, et au nord, le terrain de foot dans son emprise réduite.
Date de l’article d’origine : 28 mai 2018