Accès à la nature : toujours des blocages…

Nous avons signalé ici, à plusieurs reprises, que les tentatives d’améliorer les conditions d’accès du public aux espaces naturels se heurtent souvent à des réticences voire à des oppositions de principe au nom de la défense de l’environnement. Une nouvelle illustration avec un projet de SCOT (Schéma de cohérence territoriale) en Bretagne, qui vient de passer le cap de l’avis de l’État et de l’enquête publique.

Ayant remarqué qu’un tiers des bourgs de ce territoire rural n’offrent à leurs habitants aucune possibilité d’aller se balader dans la nature en partant de chez eux à pied, le document demande de planifier la réalisation de cheminements entre bourgs et nature. Constatant que certains grands ensembles naturels demeurent fermés au public, non pas du fait de leur intérêt écologique mais simplement parce qu’ils appartiennent à de grands propriétaires qui ne veulent laisser passer personne (sauf les chasseurs, bien sûr), il préconise aussi que la communauté de communes élabore un schéma des itinéraires de promenade, en vue de rendre mieux accessibles des espaces qui mériteraient de l’être.

Dans l’avis de l’État et les dépositions à l’enquête publique, pas un mot en faveur de ces dispositions mais, comme on pouvait s’y attendre, de sérieuses réserves émanant même de trois associations environnementales. Extraits :

– État : « Les continuités de déplacement doux pour l’homme ne sont pas nécessairement des continuités pour la faune et la flore. Pour être favorables à la biodiversité, la mise en place de ces liaisons doit obligatoirement (sic) être accompagnée de mesures de gestion du milieu et obligatoirement (re-sic) être réalisée par des personnes qualifiées en écologie capables d’étudier la compatibilité entre fréquentation du public et fonctionnalité écologique », etc, il y en a encore plusieurs lignes dans ce genre, et cette approche merveilleusement bureaucratique a sûrement de quoi encourager les élus qui voudraient réaliser une promenade.

– État : « L’intégration des cheminements et de l’accessibilité dans cette prescription peut nuire à l’objectif de préservation de la trame verte et bleue en lien avec une certaine artificialisation possible et l’effet de perturbation ».

– Association 1 : « Sur la base de la perception des espaces naturels à ouvrir au public, (…) met en exergue au contraire un appauvrissement et un accroissement de leur vulnérabilité ».

– Association 2 : « Il est indispensable de réaliser un inventaire de la faune et de la flore avant d’élaborer un schéma des itinéraires de promenade ».

– Association 3 : « L’ouverture des espaces naturels au public conduirait à l’appauvrissement du milieu et à l’accroissement de leur vulnérabilité ».

Pour sûr, il y a des précautions à prendre dans ce genre de projets, et étant moi-même naturaliste je ne sous-estime pas les sensibilités écologiques, mais il ne vient à l’idée de personne qu’une manière efficace de sauvegarder les espaces naturels, c’est de les faire connaître, pratiquer et aimer du public – ce qui me renvoie à la lecture du passionnant livre « The Last Child in the Woods », dans laquelle je suis plongé et que je vous présenterai prochainement. Ma seule consolation par rapport à ces avis est que leurs auteurs adorent sûrement aller se balader dans la nature, sur des itinéraires qui n’ont probablement jamais fait l’objet de la moindre étude d’impact.

Date de l’article d’origine : 17 mai 2018

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s