Ce 5 avril, à 21 h, il fait déjà nuit noire sur la petite île de Tilos (61 km², 530 habitants). Les hiboux petits-ducs font entendre leurs appels flûtés autour du village et du port de Livadia (400 habitants environ), et c’est le moment que choisit le sociotopologue pour partir observer la vie sociale des lieux. Car à la différence de nos bourgs ruraux, il y a du monde dehors à cette heure-là, davantage même que l’après-midi, et c’est donc l’occasion de regarder comment les habitants pratiquent leur territoire.
Au centre du village, en bordure de la place principale, un terrain de jeux pour enfants – fort bien équipé et tenu, soit dit en passant – est occupé par cinq enfants de cinq à huit ans. Aucun adulte ne les surveille, du moins en apparence, car j’apprends que les adultes installés dans les alentours, notamment aux terrasses des cafés, gardent un œil sur eux. En contrebas, des terrasses séparées par de larges escaliers descendent vers la mer. Là se trouve un groupe de neuf enfants de la tranche 9 / 12 ans, garçons et filles, venus pour certains à vélo. Ils se livrent à des jeux de ballon ainsi qu’à diverses évolutions et acrobaties (roue, poirier, pas de danse etc), ou jouent avec des chats venus en spectateurs. Certains sont assis sur les marches pendant que les autres se donnent en spectacle, l’endroit formant une sorte de scène avec pour toile de fond la mer, qui se devine aux reflets des lumières du port. Élément original, un côté de la place est bordé par le commissariat de police, dont le vaste porche dallé et bien éclairé est particulièrement apprécié des jeunes.
Voilà pour les enfants. Mais où sont les ados ? Pour les trouver, il faut se déplacer dans une rue adjacente jusqu’au « Grill House Kiriakos », qui est manifestement l’épicentre de la vie nocturne du village. Ce petit resto populaire, brillamment éclairé et très animé, attire la jeunesse locale qui, sans forcément consommer, s’installe de l’autre côté de la rue sur les marches d’une construction à l’abandon pour bavarder et observer ce qui se passe. Huit jeunes sont posés là, d’autres arrivent à vélo ou en scooter, s’arrêtent, repartent, etc. Pas d’alcoolisation, ça chahute un peu par moments mais l’ambiance est bien paisible.
Reste à trouver les grands ados et jeunes adultes. Ceux-là sont plutôt au susdit Grill House ou dans les cafés entourant la place, ainsi que sur le port, « les pieds pendants au bout du quai », comme dans la chanson de Beau Dommage (1). Quant aux adultes, en grande majorité des hommes, ils sont aux terrasses des cafés environnants. Toute cette animation se déroule dans un mouchoir de poche (3700 mètres carrés, pour être précis). A 21 h 30, les plus jeunes enfants ont quitté le terrain de jeux mais à 22 h tout le monde est encore là tandis que le sociotopologue rentre se coucher, en pensant à ce que pourraient être nos petits bourgs français si leurs habitants ne s’enfermaient pas chaque soir devant leur télé et trouvaient des choses intéressantes et agréables à faire hors de chez eux.
(1) Une bien jolie chanson québécoise pour les amoureux des sociotopes, à (ré)écouter ici.
Date de l’article d’origine : 16 avril 2018