Nous avons vu dans ce blog qu’il est aujourd’hui proposé d’analyser les qualités des espaces publics depuis son ordinateur, sans même aller sur le terrain. Cette méthode a des côtés discutables, car on apprend pas mal de choses en regardant les gens et en parlant avec eux, ce qui n’est guère possible quand on est sur GoogleEarth. Mais comme je tombe aujourd’hui sur une image du quartier de Brøndby (Danemark), c’est l’occasion de se lancer. Le nom de Brøndby ne nous dit sans doute pas grand chose, mais ceux qui s’intéressent aux formes urbaines vues du ciel ont sans doute vu un jour ces lotissements organisés en cercles parfaits, régulièrement disposés sur un tapis d’herbe.
Si l’on veut dépasser le jugement sommaire du type « c’est joli / pas joli », « j’aime / j’aime pas », on peut se poser la question de savoir si cette curieuse organisation fonctionne en tant que sociotope – et, plus précisément, si les espaces verts sont réellement utilisés par les habitants. A première vue, ce n’est pas la verdure qui manque, et l’urbaniste qui a conçu le projet l’a sûrement vendu sur le thème « Votre maison au cœur d’un grand parc ». Mais si on observe attentivement l’image, on remarque qu’il n’existe absolument aucune trace de passage entre les quartiers, même pas la moindre « ligne de désir » tracée dans l’herbe par des habitants cherchant à aller d’un quartier à un autre. Pas non plus la moindre trace d’usure de l’herbe résultant d’un usage informel, du type jeux de ballons. Et même pas d’indices d' »aménités » particulières du genre jeux, tables ou bancs. Pas beaucoup d’arbres non plus, et une végétation passée à la tondeuse de façon indifférenciée, ce qui suggère une biodiversité quasi nulle. Quant aux « rondelles » centrales, qui pourraient être des espaces de rencontre, ce sont des aires de stationnement. On a l’impression de systèmes totalement clos, repliés sur eux-mêmes. Si l’organisation de ces quartiers est originale et a de quoi épater le lecteur d’une revue d’architecture, elle semble produire un système d’enfermement pas forcément très épanouissant pour les gens qui y vivent.
Date de l’article d’origine : 23 janvier 2018