Sociotopes et pratiques des enfants dans une commune rurale (suite)

Le travail avec les élèves de CM1 et CM2 de l’école Jacques Prévert, à Le Saint (Morbihan), a eu lieu comme prévu le 20 février (voir ici article précédent sur ce sujet). Les 12 élèves présents ont d’abord eu à dessiner par groupes de trois une carte mentale du bourg, après quoi les deux encadrants ont procédé à des entretiens individuels consistant à remplir un questionnaire de sept questions et à porter des informations sur la carte de la commune et un plan du bourg. Comme le demandait la méthode « made in Sweden », les élèves avaient préalablement reçu en classe une information sur la Convention internationale des droits de l’enfant, et les parents avaient été informés de l’opération par une lettre. Pour compléter le travail sur place, il ne reste plus qu’à conduire un entretien avec l’enseignant, ce sera fait un peu plus tard.

La suite des opérations consiste à mettre les données au propre, en tableaux, sur cartes (certaines sous SIG), puis à les analyser. Une des limites de cette expérience tient au fait que l’échantillonnage est très réduit et qu’il est donc difficile ou risqué de tirer des conclusions à portée générale. Et une difficulté de l’analyse, c’est qu’il faut parfois interpréter les propos des enfants,  en veillant à ne pas les déformer ni à les instrumentaliser en fonction des objectifs de l’étude de développement du bourg. Ce travail est en cours, mais voici déjà quelques informations intéressantes.

1) Un critère d’analyse peut être de relever quelles sont les conditions d’environnement (au sens large) qui peuvent être considérées comme « riches » dans une perspective d’épanouissement physique et psychique des enfants, et celles qui peuvent être considérées comme « pauvres ». A cet égard, il ressort des entretiens que le fait d’habiter dans le bourg (lequel ne regroupe qu’une minorité de la population communale) est favorable à la vie sociale des enfants et leur offre un choix d’activités diversifiées (les terrains de jeux et de sports, la bibliothèque, des activités à la salle communale…). Mais peut-on, à l’inverse, considérer que le fait d’habiter dans un hameau isolé en pleine campagne produit des conditions « pauvres » ? La réponse semble très liée à la qualité de l’environnement écologique et paysager. Les quatre enfants témoignant d’expériences riches dans le cadre de leurs loisirs (expéditions dans les bois, patouillage dans les ruisseaux…) habitent chacun dans un hameau ayant un accès direct à la « trame verte et bleue » – en l’occurrence des vallées très boisées avec de beaux ruisseaux. A l’inverse, les trois enfants ayant des expériences pauvres habitent sur des plateaux agricoles et n’ont guère de possibilités de sortir de chez eux, si ce n’est dans la voiture des parents.

Ce constat, qu’il conviendrait bien entendu d’étayer par des travaux dans d’autres communes, me semble important. Les campagnes ont changé depuis l’époque de Louis Pergaud et de la Guerre des boutons : le remembrement et l’industrialisation de l’agriculture sont passés par là, et le fait d’habiter à la campagne ne garantit aucunement de bonnes conditions d’accès à la nature. Les adultes qui s’imaginent que « c’est bien pour les enfants » de s’installer en campagne se trompent lourdement si l’accès à la nature n’est pas assuré – et c’est malheureusement trop souvent le cas.

2) L’école communale « Jacques Prévert » fait penser au poème et à la chanson bien connus « En sortant de l’école, nous avons rencontré… » (1), qui nous parle du plaisir de traîner un peu avec les copains / copines en rentrant à la maison. Mais sur les 12 élèves, une seule se rend régulièrement à l’école à pied – pour les autres, c’est la voiture des parents, même pour les trois qui habitent à moins de 200 m de l’école. Certains aimeraient bien pouvoir faire le trajet à pied ou à vélo, mais les dangers réels ou supposés de la circulation dans ce bourg (au demeurant extrêmement faible) amènent les parents à le leur interdire. On pourrait imaginer que des parents accompagnent leur enfant à vélo, en roulant derrière par sécurité, ça ne leur ferait sûrement pas de mal… et ce peut être une proposition à faire dans le cadre de l’étude du bourg.

(1) La chanson elle-même est ici.

Date de l’article d’origine : 22 février 2018

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