La vie sociale des petits espaces urbains : les espaces pour s’asseoir (4)

(suite de la traduction de « The Social Life of Small Urban Spaces », de W.H. Whyte)

Donc les corniches devraient être asseyables. Mais comment cette notion peut-elle être définie ? Si nous voulions introduire les corniches asseyables dans les règles d’urbanisme de New-York, il fallait que nous donnions des hauteurs et des largeurs d’assises et, du fait qu’il y avait des risques d’oppositions, nous devions être capable de justifier ces dispositions par des faits.

Nous avons rencontré des vents contraires d’une manière à laquelle nous ne nous attendions pas. Les attaques sont venues du fait que les règles étaient trop précises. Et elles ne sont pas venues des constructeurs, mais des membres d’un service de l’urbanisme. Pour ceux-ci, plutôt que d’énoncer les dispositions de façon détaillée, le règlement d’urbanisme ne devait donner que des directives larges – par exemple, rendre les lieux asseyables – et laisser les détails à un examen des projets au cas par cas.

Arrêtons-nous un instant sur cet argument. Il semble convaincant, surtout pour les profanes ; d’ailleurs, au moment inévitable dans ces réunions de travail sur les zonages où quelqu’un se lève et clame « Envoyons balader tout ce fatras et revenons-en aux fondamentaux », tout le monde applaudit. Et on croit ainsi régler leur compte aux pinaillages bureaucratiques et au charabia juridique.

Mais l’ambiguïté est un problème plus grave. La plupart des règles d’urbanisme offrant un « bonus » au constructeur sont extrêmement précises quant à ce que celui-ci doit recevoir, mais l’ennui est qu’elles sont très molles quant à ce qu’il doit donner en retour, et encore plus molles quant à ce qui peut se passer s’il ne donne rien. Les dispositions vagues, beaucoup de villes s’en sont aperçues, sont inapplicables. Ce que vous ne prescrivez pas de façon explicite, vous ne l’obtenez pas.

Le manque de règles ne donne pas davantage de liberté aux architectes et aux constructeurs, il ne fait qu’encourager la routine. C’est pourquoi si peu de bonnes plazas ont été construites suite au règlement d’urbanisme de 1961. Aucune règle n’interdisait aux constructeurs d’offrir de meilleurs plazas ; mais aucune ne le leur imposait non plus. Et la plupart des constructeurs ne cherchent pas à faire autre chose que de l’ordinaire. Quelques-uns avaient demandé des permis en vue d’offrir des aménités qui n’étaient pas imposées par la réglementation ; mais les laborieuses procédures pour obtenir des permis spéciaux obligent le constructeur et l’architecte à un parcours du combattant à travers les agences municipales, où l’innovation peut tout aussi bien être punie que récompensée.

Photo : toute une palette de lieux asseyables (voire allongeables ou casse-croûtables) sont proposés le long de la High Line à New-York.

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