(suite de la traduction de « The Social Life of Small Urban Spaces », de W.H. Whyte)
Dans l’idéal, des sièges devraient être physiquement confortables – des bancs avec des dossiers, des chaises bien modelées… Pourtant, il est plus important qu’ils soient socialement confortables. Cela signifie qu’ils doivent offrir du choix : s’assoir en face, sur le côté, à l’arrière, au soleil, à l’ombre, en groupes, seul…
Le choix devrait être intégré dans la conception de base des aménagements. Même s’il est toujours possible d’ajouter des bancs et des chaises, le mieux est de maximiser l’asseyabilité des différents aménagements. Cela signifie d’aménager des corniches pour que l’on puisse s’assoir dessus, ou de permettre à des surfaces plates d’avoir un double usage, comme sièges et comme tables. On peut pratiquement toujours trouver de telles opportunités. Parce que la topographie varie quelque peu sur la plupart des sites construits, il y a moyen d’offrir plusieurs niveaux d’espaces plats. Il n’est pas plus compliqué de les rendre asseyables que le contraire.
C’est beaucoup de travail de créer un endroit raté. Il faut faire des corniches hautes, y mettre des barreaudages, réaliser des surfaces inégales… On peut économiser de l’argent en ne réalisant pas ce genre de choses, et l’espace qui en résultera a davantage de chances d’être accueillant.
C’est une des leçons de la plaza Seagram. Philip Jonson raconte que lorsque Mies van der Rohe vit des gens assis sur ses corniches, il en fut très surpris. Il n’avait jamais pensé que ça puisse arriver. Mais l’architecte avait mis l’accent sur la simplicité. Il n’y avait donc pas de barreaux incommodes, pas de buissons, pas de de variations de niveaux injustifiées, pas d’ornementations pour fragmenter l’espace. Les marches étaient confortables et invitantes (1). Le lieu était éminemment asseyable, alors qu’il ne s’y trouvait pas un seul banc. En périphérie se trouvaient 180 mètres de corniches et de marches, ce qui était parfait pour s’assoir, manger et se mettre au soleil. Les gens en utilisent la totalité.
(1) Cet adjectif (de l’anglais inviting) n’existe pas avec ce sens en français, mais comme pour asseyable, il n’est pas interdit non plus de le créer !
Photo du haut : par temps frisquet, ces marches ensoleillées d’un monument sont bien appréciées des passants. Photo du bas : c’est coûteux de produire un espace public répulsif où on ne peut pas s’assoir ! Centre d’affaires La Découverte, à Lorient.