Voilà un titre un peu jargonneux, qui aurait de l’allure dans un colloque et que l’on pourrait traduire en français par : « Comment les inégalités entre hommes et femmes dans les usages de l’espace peuvent-elles être révélées par la méthode des sociotopes, et comment celle-ci peut-elle aider à les réduire », mais c’est plus long.
Après avoir beaucoup parlé de l’Allemagne depuis cet été, nous allons revenir durablement en Suède, non seulement pour parler de l’association des enfants aux projets urbains, mais aussi pour voir comment la région de Gotland (57 000 habitants, une commune unique) s’y est prise pour intégrer la question du genre dans son travail sur les sociotopes.
La région de Gotland a inclus une perspective de genre dans la cartographie des sociotopes, afin de mieux comprendre et intégrer dans la planification urbaine les différences dans les conditions de vie des femmes et des hommes.
La législation suédoise sur l’urbanisme insiste sur l’importance de l’égalité des chances pour tous, or celle-ci ne peut être réalisée sans égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi une bonne planification nécessite de connaître les conditions de vie des femmes et des hommes et la manière dont ils utilisent l’espace public. Pour y parvenir, la Région de Gotland a entrepris de travailler sur les sociotopes dans une perspective de genre.
Jenny Sandberg, du service régional de l’aménagement, explique que la méthode des sociotopes a déjà été utilisée à maintes reprises en Suède, mais sans perspective de genre. «La cartographie aide à répondre à la question : comment les femmes et les hommes utilisent et perçoivent-ils un lieu déterminé ? Dans quelle mesure ce lieu est-il accessible et quelles sont ses qualités ? »
Les femmes moins en sécurité que les hommes
Les femmes se sentent moins en sécurité que les hommes dans l’espace public. Tous peuvent être conscients d’un risque d’être agressés ou volés, mais les femmes sont beaucoup plus préoccupées par la violence sexuelle, comme le harcèlement ou le viol. «Les femmes et les hommes vivent des choses en partie différentes dans l’espace public ; c’est important à prendre en compte lorsque nous faisons de la planification urbaine», explique Sandberg.
La cartographie des sociotopes de Gotland saisit les expériences des gens au moyen de questionnaires, d’entretiens, d’ateliers et d’études de terrain. Les informations qui en résultent sont ensuite complétées par les observations des agents municipaux. Les questionnaires fournissent une vue complète de la façon dont les différents lieux sont utilisés. Les entretiens et les ateliers offrent des perspectives plus approfondies. Enfin, les études sur le terrain donnent des impressions générales et des réflexions spontanées sur la manière dont les gens utilisent une zone et s’y déplacent. Tous les résultats sont finalement présentés sur une carte, qui donne un bon aperçu de l’information.
Les utilisateurs et les experts ne sont pas toujours d’accord
La planification urbaine est souvent basée sur des évaluations de lieux par des experts. Jenny Sandberg explique que la perspective de l’utilisateur fait souvent défaut dans ces évaluations, ce qui est problématique : «Parfois, les évaluations des experts et des utilisateurs se contredisent. Nous l’avons vu clairement par exemple lorsque nous avons testé l’outil autour du centre commercial Östercentrum à Visby. Les experts avaient conclu que ce secteur, avec des restaurants ouverts toute la nuit, devrait être perçu comme dangereux puisque les statistiques de la police y indiquent une délinquance assez courante. Or, il s’est avéré que les personnes qui le fréquentaient ne se sentaient pas du tout en danger. En revanche, la zone révélée comme la plus dangereuse par la carte des sociotopes, tant pour les femmes que pour les hommes, n’apparaissait pas dans les statistiques de la police. C’était une zone herbeuse sur des arrières de bâtiments, ce qui rendait l’endroit isolé et dangereux, surtout la nuit ».
«Ces découvertes nous aident à allouer des ressources aux endroits stratégiques, et nous pouvons classer par ordre de priorité les zones que les citoyens perçoivent comme dangereuses plutôt que celles que nous considérons comme dangereuses au vu de statistiques qui, après tout, ne reflètent pas la sécurité », dit Mme Sandberg.
L’égalité des sexes dans les procédures de planification
Le personnel du service de l’aménagement a travaillé dur pour intégrer les questions de genre dans ses activités quotidiennes. Aujourd’hui, le schéma directeur d’aménagement prévoit que la méthode doit être utilisée dans toutes les communautés de la région. Cela permettra d’assurer qu’à l’avenir, toutes les données utilisées par les acteurs de l’aménagement tiendront compte des expériences en partie différentes des femmes et des hommes.
En plus de la cartographie des sociotopes, le personnel a reçu une formation sur l’égalité des sexes dans la planification. Les efforts sont déjà payants : «L’autre jour, un de nos responsables a refusé de signer un projet de nouveau plan local, car la perspective de genre n’avait pas été suffisamment prise en compte. Le personnel commence à ouvrir ses yeux sur ces questions, et c’est le résultat de nos efforts », a conclu Mme Sandberg.
Article du site includegender.org traduit et adapté. Photo : Visby (23000 habitants) est la ville principale de l’île de Gotland.
Date de l’article d’origine : 20 octobre 2017