Dans la foulée d’un précédent article (Analysez la qualité des parcs depuis votre ordinateur ), nous allons nous intéresser à ce qu’il est possible de tirer des photos et commentaires de Google en prenant pour exemple un espace vert de Berlin, qui se trouve entre le quartier d’affaires de Potsdamer Platz et des quartiers d’habitat. Cette bande verte de 400 mètres sur 30 forme un « espace de respiration » dans un ensemble urbain densément construit. Passant par là en 2007, j’avais été frappé par la froideur de cet aménagement, qui semblait surtout destiné à mettre en valeur l’architecture des bâtiments modernes de sa bordure ouest : rien que du gazon ras, un léger modelé tout de même pour briser la monotonie, aucun arbre à l’exception d’alignements le long des rues, et cinq balançoires très « design » au centre. Le genre à faire bien dans une revue d’architecture, mais qu’en est-il réellement des usages de cet espace ?
Presque désert le 3 avril 2007 où souffle un vent de nord très frais, ce « parc Tilla Durieux » accueille tout de même plus de 70 groupes de personnes le 28 mars 2017, comme on peut le voir sur la photo de Google Earth. Et en recherchant des images dans différentes galeries, on s’aperçoit qu’il peut y avoir beaucoup de monde ici, principalement des groupes de gens qui s’allongent dans l’herbe pour se reposer, bavarder, lire ou pique-niquer. L’endroit semble donc fonctionner, et même très bien, du moins lorsque le confort thermique des usagers est correct.
Poursuivons notre « évaluation en ligne » en consultant les avis donnés sur ce parc sur Google Map. On y trouve un peu de tout : « havre de paix, idéal pour une courte pause, mais mal entretenu »; « dégradation rapide, balançoires hors d’usage »; « bien pour s’asseoir, bien pour un pique-nique au soleil, propre, mais pas grand-chose à faire » ; « oasis de verdure dans le quartier des affaires » ; « petit endroit pour se détendre au milieu de Berlin » ; « très confortable pour se poser et manger, surtout en été » ; « vue incroyable, régal pour les yeux, calme » ; « bel endroit pour se détendre » ; « bel endroit pour profiter du soleil » ; « un lieu pour pratiquer quelques activités de plein-air » ; « idéal pour une courte pause mais seulement en été » ; « belle vue mais le parc pourrait être mieux utilisé s’il y avait des arbres » ; « confortable pour s’allonger et pique-niquer » ; « peu de bruit de la circulation » ; « mauvais emplacement et pelouse endommagée » ; « mieux qu’un terrain vague mais inutile » ; « ne convient pas ici » ; « rien d’autre à faire que de s’asseoir »…
Que conclure de cet ensemble d’informations issues d’une visite sur place, de l’observation de photographies et d’avis exprimés par des usagers ? Je retiens pour ma part les points suivants :
1) Une visite unique n’est pas suffisante pour évaluer les « valeurs de sociotope » qui s’attachent à un lieu. Si la première impression est importante, elle est liée à des conditions propres à un moment donné, qui peuvent être différentes le lendemain.
2) Les images accessibles par internet (vues Google Earth en haute définition, galeries d’images…) peuvent apporter beaucoup d’informations, qui ont aussi leurs limites car les conditions du moment (météo, événements…) ne sont pas connues.
3) Les avis des usagers, lorsqu’ils sont nombreux, sont très riches en informations quand bien même ils révèlent des contradictions (mal entretenu / propre, rien à faire / activités possibles, bien situé / mal situé…). Je suis pour ma part troublé par l’avis selon lequel le parc Tilla Durieux serait « mieux qu’un terrain vague, mais inutile ». Outre le fait que l’endroit n’est manifestement pas inutile, on se demande pourquoi un espace qualifié d’inutile serait nécessairement mieux qu’un terrain vague, ce qui nous renvoie aux valeurs multiples et contradictoires associées aux terrains vagues (espaces souvent très appréciés des enfants mais qualifiés de « pas propres » par les adultes). Sur un plan technique, je m’aperçois aussi qu’une façon ultra simple de faire de l’enquête en ligne sur un espace peut être de demander aux usagers de laisser un avis sur Google Maps… un sujet à creuser ?
Voir aussi : Analysez la qualité des parcs depuis votre ordinateur
Date de l’article d’origine : 25 août 2017