Un moment fort du forum sur les espaces publics qui s’est tenu le 16 décembre à Rennes, à l’initiative du CESER (Conseil économique, social et environnemental), aura été l’intervention de Thierry Paquot, « philosophe de l’urbain ».
Il y aura beaucoup été question du sens des mots employés pour parler des espaces publics (1) ainsi que de l’histoire de notre relation aux « lieux » urbains, terme que l’intervenant préfère à l’expression « espace public » (et qui nous rapproche de l’anglo-américain, qui parle de « place » (sense of place, pride of place, placemaking…) là où nous hésitons à parler de « lieux »). La découverte des lieux urbains par le piéton à partir du 18è siècle (voir par exemple Restif de la Bretonne, qui explore « Les nuits de Paris »), est en la matière un jalon important. Et le philosophe, qui connaît ses classiques, aura fait allusion à Balzac, fin connaisseur des rues de Paris. C’est l’occasion de faire un tour du côté de sa Physiologie du mariage (1826), où l’on trouve cette belle célébration de la flânerie urbaine :
Oh ! errer dans Paris ! adorable et délicieuse existence ! Flâner est une science, c’est la gastronomie de l’œil.
Se promener, c’est végéter ; flâner, c’est vivre. (…) Flâner, c’est jouir, c’est recueillir des traits d’esprit, c’est admirer de sublimes tableaux de malheur, d’amour, de joie, des portraits gracieux ou grotesques ; c’est plonger ses regards au fond de mille existences : jeune, c’est tout désirer, tout posséder ; vieillard, c’est vivre de la vie des jeunes gens, c’est épouser leurs passions.
(1) Je note au passage que tout colloque d’une certaine tenue doit débuter par l’intervention d’un penseur de haut vol qui va s’employer à redéfinir à sa sauce les termes du débat, histoire de se démarquer un peu du sens commun.
Voir aussi : Balzac et les sociotopes ; Au Québec, « défense de flâner » ! ; Spécial Québec : au sujet de la flânerie (suite)
Illustration : Gustave Caillebotte, 1877 (Wikipedia / domaine public). Date de l’article d’origine : 16 décembre 2016.