Notes de lecture : Les territoires urbains de l’enfant

Ce livre de l’architecte et sociologue grecque Kyriaki Tsoukala propose une approche psychosociale de la ville telle qu’elle est perçue et pratiquée par les enfants et adolescents, depuis la petite échelle (abords du domicile, quartier…) jusqu’à celle de la ville dans son ensemble. Ce travail repose non seulement sur l’exploitation de multiples sources, mais aussi sur des enquêtes conduites par l’auteur, notamment à Thessalonique. L’ouvrage, très technique et souvent orienté sur l’épistémologie, est parfois d’une lecture ardue, mais le propos est clair et certains chapitres au contenu concret se lisent sans difficulté majeure.

Par sa double formation, l’auteur est en mesure d’explorer aussi bien les aspects psychologiques et sociaux de son sujet que ses implications et applications urbanistiques. La réflexion sur la place de l’enfant dans la ville intègre d’ailleurs les évolutions récentes de l’espace urbain (urbanisation périphérique, allongement des distances, déclin de la vie de quartier, emprise croissante de la voiture…). L’ auteur ne se contente pas d’exposer et de discuter les thèses en présence, elle pose aussi les bases de ce que pourrait être une ville accueillante aux enfants, même si le propos n’est évidemment pas de proposer des « recettes » à cette fin.

Par rapport aux travaux de Kevin Lynch sur « L’Image de la Cité » (1960), où l’on trouve la première utilisation des cartes mentales dans le domaine de l’urbanisme, l’ouvrage de Mme Tsoukala a l’intérêt d’ajouter des dimensions économiques, sociales et culturelles à l’analyse des relations entre les enfants et la ville. Les sociotopophiles s’intéresseront particulièrement aux chapitres consacrés aux trajets familiers, aux limites de l’espace privé et public, ainsi qu’aux activités et espaces dans les villes de petite taille. Enfin, la conclusion, orientée vers la planification urbaine, expose bien des idées qui ont été évoquées ici :

  • l’ « activabilité » de l’espace : il s’agit moins de produire des espaces spécialement conçus pour les enfants que des espaces dont ils soient en mesure de tirer parti au gré de leurs besoins et de leur imagination (voir cet article du blog).
  • l’accessibilité : thème bien connu de nos lecteurs,  mais l’auteur n’oublie pas d’y intégrer le « contact visuel avec l’espace à une certaine distance », ce qui rejoint directement les travaux d’Alexander Ståhle sur les sociotopes.
  • la sûreté de l’environnement.
  • la complexité des stimuli, qui est tout autre chose que ces jardins pour enfants « où les activités qui y sont prévues sont standardisées, peu nombreuses et suivent un modèle unique qui n’envisage pas l’enfant comme un sujet actif ayant une interaction avec son environnement mais comme un sujet s’y adaptant passivement ».
  • le symbolisme : lié à la présence de bâtiments importants pour le repérage et l’identité urbaine.
  • la présence de la nature, très appréciée des enfants et génératrice de stimuli.
  • la mise en réseau des espaces accessibles aux enfants : on touche là au cœur de la planification urbaine.

Les lecteurs de l’urbaniste danois Jan Gehl trouveront dans cet ouvrage de solides arguments à l’appui de son approche de « La ville à taille humaine ». Bref, il s’agit d’un livre important, sur lequel nous aurons sans doute l’occasion de revenir.

Date de l’article d’origine : 13 mars 2017

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