Il semble y avoir quelques différences entre la définition nord-américaine du campus, centrée sur la notion de parc, et celle que nous en avons en France, qui porte plutôt sur l’ensemble des emprises foncières d’un site universitaire. On pourrait suggérer qu’il en découle des conséquences différentes quant aux manières d’aménager ces espaces. Dans le premier cas, le parc constitue un élément central, fonctionnel voire emblématique de l’université. Dans le second, il risque de ne s’agir que d’espaces de verdure « par défaut », occupant les vides entre les bâtiments.
Dans « Une expérience d’urbanisme démocratique » (1975), l’urbaniste américain Christopher Alexander souligne l’importance fonctionnelle des espaces verts d’un campus comme lieux de rencontre, d’échanges, de détente et comme espaces de circulation. Dans « The language of towns and cities » (2010), l’urbaniste Dirhu A. Thadani indique que « le cœur d’un campus universitaire est généralement un espace, un vide, qui peut être compris comme symbolisant la connaissance qui reste à atteindre et à découvrir », auquel cas le « vide » a sa valeur propre. On sait l’importance du campus dans l’image de marque des grandes universités américaines (Harvard, Yale, Berkeley…), où les notions de décontraction et de liberté attachées au campus ne sont apparemment pas incompatibles avec l ‘étude et la recherche. L’ouvrage précité contient d’ailleurs toute une typologie de campus et définit une vingtaine de critères pour mettre le campus au service d’un « successful academic environment » : la place symbolique, la hiérarchie des espaces, le mélange d’usages, les bâtiments symboliques, les sports, l’environnement pédestre, le vélo, la gestion du stationnement, la sécurité, la définition du centre et des périphéries, la cohésion, l’entretien, l’écologie, etc.
Par rapport à ces beaux principes, pas mal de nos campus français, posés sur des plateaux agricoles ou coincés dans des environnements urbains denses, font plutôt pâle figure. Dans une réalisation récente comme le campus universitaire privé de Kerlann, près de Rennes, on trouve certes beaucoup de verdure, mais les établissements sont juxtaposés sans qu’apparaisse un espace central commun, et c’est finalement la voiture, avec les routes et les parkings, qui structure l’ensemble. Et ne parlons pas de toutes ces universités publiques qui, se débattant dans des difficultés budgétaires chroniques, ont d’autre priorités que leurs espaces verts.
Ces « dépendances vertes », parfois vastes, peuvent pourtant avoir beaucoup de potentiel en termes de valeur d’usage. Une solution pourrait être d’associer les étudiants à leur conception et à leur aménagement. Des initiatives se développent en ce sens, ce sont par exemple les étudiants de Vannes qui ont créé sur le campus leur propre jardin de plantes comestibles (voir ici) ou ceux de Lorient qui viennent de concevoir un nouvel aménagement pour un jardin au pied de la fac. Et dans bien des cas, il pourrait suffire, dans un esprit « lighter / quicker / cheaper », de récupérer chez Emmaüs ou dans une ressourcerie des éléments de mobilier qui pourraient mettre un peu de vie et d’agrément dans des espaces actuellement pitoyables. Enfin, un travail d’analyse du fonctionnement de ces campus, avec enquête, observation des usages et des flux…, pourrait aider à trouver des améliorations simples.
Photo : Berkeley, source : Wikimedia Commons, auteur : LAgirl5252. Date de l’article d’origine : 20 février 2017.