Suite du texte de Pierre Lieutaghi, ethnobotaniste auteur de « La plante compagne » : « La subsistance était assurée à la saison des escapades : un pemmican de samares d’orme, de fleurs de primevère, de pousses de ronce épluchées avec encore, si les temps étaient noirs, les dernières cenelles restées à l’épine blanche, les faînes qui avaient échappé à la moisissure et aux campagnols. Les blessés trouvaient un pansement tout préparé au flanc ombreux des talus : la feuille du nombril de Vénus dont il suffisait de détacher la peau translucide avant de l’appliquer sur la plaie. Les princes étaient couronnés de feuilles de châtaignier cousues à l’aiguille de pin.
Rumeur des enfances guerrières. Prédations coupables. Choux fourragers à la moelle savoureuse, pommes au goût de fuites éperdues, d’imprécations terribles dans les coulisses du verger ; et ces beaux oeufs bleus, volés avec un remords palpitant au creux maçonné du nid de grives, dans l’ajonc. Mais aussi des calmes d’autant plus forts qu’ils pouvaient survenir en pleine bataille. On essayait de s’incruster dans un vieux chêne pour échapper au regard de l’ennemi, et voici que le chêne se faisait amical. On avait la joue contre l’écorce moussue du nord. Les moignons de branches nous blessaient les genoux, déjà lacérés par les haubans de ronce. Et quelque chose que l’on n’aurait pas voulu nommer douceur nous saisissait ».
Date de l’article d’origine : 11 mai 2013.