Le Québec est un pays sympathique à bien des égards, à tel point qu’on s’étonne d’y trouver parfois de drôles de pancartes dans des espaces publics, comme sur la place de l’église de Sacré-Cœur (deux photos ci-contre) ou sur le vaste et désertique parking bordant un collège dans la petite ville du Bic (photos du bas). Ces pancartes se réfèrent à un « règlement HCN 1002 » relatif « à la sécurité, la paix et l’ordre dans les endroits publics ». Ce règlement contient un article 13, sobrement intitulé « Flâner », selon lequel « nul ne peut se coucher, se loger, mendier ou flâner dans un endroit public ». A Sacré-Cœur, il s’agit sans doute d’épargner aux paroissiens l’affligeant spectacle de l’oisiveté et de la pauvreté s’étalant sur la place publique. Au Bic, on se demande en revanche qui pourrait avoir envie de traîner dans un espace aussi déprimant. Interrogés sur ce règlement HCN 1002, des Québécois considèrent qu’il a pu être mis en œuvre suite à des « problèmes avec des jeunes », ou qu’il exprime plus largement une peur des jeunes et de les voir se regrouper dans des lieux où ils échappent au contrôle des adultes.
En Amérique anglophone et protestante, ce « défense de flâner » correspond au panneau « no loitering », auquel l’urbaniste W.H. Whyte (The Social Life of Small Urban Spaces, p. 60) trouvait comme un fumet de sermon calviniste (« There is to be no loitering – what a Calvinist sermon in those words !-, no eating, no sitting. So it is that benches are made too short to sleep on, that spikes are put in ledges »…). Après la pose de ces panneaux, l’étape suivante consiste à installer ces systèmes de vidéo dernier cri qui permettent d’identifier au sein des visiteurs d’un espace public les individus immobiles ou à la trajectoire erratique, donc potentiellement dangereux et à contrôler.
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Date de l’article d’origine : 15 juillet 2013.