Nous avons mentionné à plusieurs reprises la question de la tranquillité des sociotopes et de leur protection contre les bruits urbains, en particulier ceux du trafic routier ; et on sait que certaines collectivités s’efforcent aujourd’hui d’identifier et de préserver des « zones de calme ». Le sujet va toutefois bien au-delà de l’absence de bruit, car les valeurs attachées aux sociotopes doivent aussi beaucoup à des ambiances sonores spécifiques. Le bruit d’une chute d’eau, celui du vent dans les feuillages, les chants des oiseaux, les rires d’enfants qui jouent créent des ambiances souvent plus attrayantes que le silence.
« Le Monde » des 31 mars et 1er avril 2013 a consacré une pleine page aux bruits de la nature, et notamment à un entretien avec le musicien américain Bernie Krause, auteur d’un livre intitulé « Le Grand Orchestre animal » récemment publié chez Flammarion. Ce texte nous propulse dans le domaine méconnu de « l’écologie des paysages sonores » (« soundscape ecology« ), qui ouvre des perspectives nouvelles pour l’analyse des changements écologiques et des modes de vie. Il en ressort une tendance générale à l’appauvrissement de la qualité des paysages sonores naturels, dû non seulement à l’érosion de la diversité faunistique, mais aussi à l’envahissement de l’espace sonore par les bruits de moteurs. Bernie Krause apporte son témoignage personnel : « Il y a près de cinquante ans, mes parents et moi nous avaient emmenés en vacances dans le parc national de Yellowstone, près d’une large vallée couverte de neige, à l’abri de tout parasitage humain. Le calme était ponctué par les vocalisations des corbeaux, des geais, des pies, des alouettes hausse-col et des élans. Je me souviens encore du murmure des ruisseaux et de la brise légère qui soufflait dans la cime des conifères. Je suis retourné au même endroit en 2002. La magie avait disparu, anéantie sous le bruit de moteur et le smog ».
Tout cela est un peu triste, et pour nous convaincre que l’homme est aussi capable de produire des sons en parfaite harmonie avec la nature, je vous propose d’écouter, cela s’impose, et si possible dans le calme du soir, Silent Woods de Dvorak (ici), interprété par la grande violoncelliste Jacqueline Du Pré (1945-1987). Et ici, avec de belles images de forêts silencieuses, une interprétation inégalée de l’Elégie de Fauré, également par Jacqueline Du Pré.
Date de l’article d’origine : 2 mai 2013.