La dénomination des lieux est un problème qui revient toujours lorsque l’on travaille à une échelle fine sur les espaces ouverts. Il existe certes des lieux bien identifiés tels que des places, des squares ou des parcs, mais dès que l’on commence à s’écarter des centres et à s’intéresser à des endroits un peu quelconques, se pose la question de savoir quel nom leur donner lorsqu’il n’existe aucune dénomination officielle – et ce cas est bien plus fréquent qu’on pourrait le penser.
Dans les campagnes, il fut un temps où chaque parcelle avait un nom, souvent lié à ses caractéristiques physiques ou à son usage. La plupart de ces micro-toponymes sont tombés dans l’oubli lorsqu’ils n’ont pas été balayés par le remembrement en même temps que les haies et les chemins creux. Plus généralement, les changements d’échelle dans nos rapports à notre environnement participent à expliquer cet oubli. Pourtant, on perçoit aujourd’hui l’utilité de dénominations précises lorsqu’il s’agit par exemple de gérer des espaces naturels* ou de mettre en valeur des espaces délaissés.
Durant un atelier « sociotopes » avec des personnes âgées, nous avons fait l’expérience d’interroger les participants sur les dénominations d’espaces ouverts. Dans certains cas, il pouvait y avoir incertitude, avec deux ou plusieurs dénominations pour le même lieu, et dans d’autres, personne n’avait la moindre idée du nom du lieu. Dans la même commune, l’enquête « sociotopes » a montré qu’une placette située en centre-ville et mentionnée par plusieurs personnes comme un espace plein de potentiel n’a aucune dénomination connue, ce qui oblige pour le moment à l’appeler « place de la supérette »… on doit quand même pouvoir trouver mieux ! Ce qui nous conduit à la proposition suivante : les municipalités soucieuses d’impliquer les habitants dans la mise en valeur des espaces ouverts ne pourraient-elles pas susciter des ateliers « participatifs » sur le thème des noms de lieux ? Ce genre de travail, qui ne coûte pas bien cher, pourrait aussi bien être l’occasion d’exhumer des noms oubliés que d’en inventer de nouveaux. Si l’on veut sortir certains lieux de l’anonymat, la première chose à faire n’est-elle pas de leur donner un nom ?
Illustration : un échantillon de toponymie bretonne à la parcelle, que j’ai réalisé à partir de l’ancien cadastre pour un plan de gestion d’un espace naturel public.
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* L’association Bretagne Vivante / SEPNB a joué un rôle pionnier dans ce domaine, en réalisant des enquêtes toponymiques extrêmement précises dans le cadre de plans de gestion de ses réserves naturelles.
Date de l’article d’origine : 1er février 2016.