Les éditions du Seuil et la BNF ont édité en 2010 un livre de photographies intitulé « La France de Raymond Depardon » (60 €). Ce magnifique travail, fruit d’une errance de plusieurs milliers de kilomètres, nous donne à voir une France ordinaire, bien loin de celle des grands sites touristiques ; c’est la France de nos routes de vacances, avec ses villages miteux, ses façades décrépites, ses giratoires, ses zones commerciales, mais aussi ses merveilles d’architecture et ses paysages pleins de douceur.
Il n’y a pas de misérabilisme dans ces images où l’humour est souvent présent, mais on sent que l’auteur a du mal à supporter l’invasion brutale d’une modernité en toc dans des paysages urbains et ruraux qui ont mis des siècles à se façonner. C’est parfois la laideur des commerces et de leurs enseignes, c’est plus souvent le caractère banalisant des catalogues de mobilier urbain et des normes d’aménagement routier.
Dans le livre de Depardon, les espaces publics apparaissent souvent sous forme d’espaces résiduels, goudronnés, « paysagés » avec leurs pavés et leurs bacs à fleurs en pierre reconstituée, encombrés de panneaux de signalisation, coincés entre des rues auxquelles les marquages au sol (comme les flèches et les zébrures, souvent présentes dans le champ des photos) donnent un caractère routier… Ce n’est même pas de modernité qu’il s’agit ici, c’est plutôt de la paresse et de l’inculture de gens pour lesquels « on va pas se faire ch…, on n’a qu’à mettre de l’enrobé partout ».
Tout ça n’est pas très gai, mais après avoir parcouru le livre, il vient une idée amusante : et si on faisait un grand nettoyage, si on envoyait promener les panneaux, les poteaux, les bacs à fleurs, la signalisation, les marquages au sol, les îlots directionnels et tout, dans l’esprit « lighter / quicker / cheaper » ? Ça ne fonctionnerait peut-être pas plus mal ?
Date de l’article d’origine : 8 février 2013. Photo extraite de l’ouvrage.