De l’importance des points de vue

Le travail mené sur les sociotopes de la commune de Locmiquélic (Morbihan) montre que la principale raison d’aimer un lieu, telle qu’elle ressort des réponses aux questionnaires, est la vue que l’on a depuis ce lieu (32 réponses sur 134). Ce thème est assez consensuel entre les générations, la vue arrivant en première position chez les anciens et en seconde chez les enfants. Le plaisir de la vue est ici très lié à l’existence d’une façade maritime offrant des spectacles et ambiances variés sur une courte distance (vue sur l’océan, Port-Louis et l’île de Groix, vue sur les ports et la ville de Lorient, vue sur l’estuaire du Blavet et son environnement boisé).

Le mot « vue » est souvent associé à des mots comme « paisible » ou  « calme », mais aussi à des notions de diversité, de spectacle, d’animation, de découverte… Cela confirme une fois de plus qu’un espace qui plaît, c’est un espace capable de concilier des attentes diverses et a priori contradictoires telles que le calme et l’animation, la possibilité de s’isoler comme de rencontrer du monde, la sérénité d’un paysage rassurant et la capacité de ce paysage à se renouveler sans arrêt selon le vent et les marées, la possibilité de s’abandonner à la contemplation paresseuse (ce terme n’est aucunement péjoratif !) comme d’observer attentivement les indices d’activité (l’arrivée d’un bateau de commerce, un groupe de kayakistes, un vol de sternes en pêche…).

La sociologue Sylvie Douézy, dans son analyse des questionnaires, s’interroge « sur la densification des villes, sur l’urbanisation des dents creuses : si l’on aime tant les vues, si cela « fait du bien », pourquoi les supprimer ? ». La frénésie actuelle à boucher les vides urbains au nom de la densification, la substitution de la chirurgie dentaire à l’urbanisme (ah, cette poétique expression « boucher les dents creuses » !), ont souvent pour effet de fermer à jamais des vues auxquelles les gens sont attachés. On pourrait en dire autant de projets de « paysagement » préoccupés de meubler le paysage avec des arbres, au risque de cloisonner celui-ci et de brouiller les vues lointaines. Il est significatif, et curieusement paradoxal, que certains ateliers de travail sur les espaces publics aient fait apparaître des souhaits de planter des arbres dans des espaces appréciés pour leur vue sur mer. Mais sans doute y a-t-il moyen de concilier les agréments procurés par les arbres avec le maintien de vues auxquelles les habitants sont attachés.

Photo : depuis Locmiquélic, vue sur la citadelle de Port-Louis, l’entrée de la rade de Lorient et l’île de Groix. Date de l’article d’origine : 14 janvier 2016.

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