Nous avons déjà signalé les problèmes spécifiques que pose le cimetière, dans un pays comme le nôtre, au regard de la méthode des sociotopes. Ce genre d’espace, en général clos et minéral, peut-il être considéré comme un « espace ouvert », et si oui, peut-on y voir un lieu de vie sociale ? Les premiers étudiants à avoir travaillé sur les sociotopes, à Plœmeur et à Brest, ont eu des difficultés à répondre à ces questions ; mais curieusement, les choses auraient été plus simples il y a quelques siècles.
Lisant l’excellent livre de Jean Rohou « Catholiques et Bretons toujours ? » (éd. Dialogues, 2012, 536 p.), j’y trouve le texte suivant, qui concerne le XVè siècle : « Autour de l’église, il y a un cimetière (…). C’est encore en vain que les évêques ordonnent de l’entourer de murs pour le « distinguer des lieux profanes » et « afin que les porcs et autres animaux ne puissent pas y entrer » à la recherche d’herbe ou de chair. Pour aller de l’autre côté du bourg, on le traverse. Non seulement à pied, comme je le faisais encore dans ma jeunesse, mais en charrette (…). Malgré l’herbe, les broussailles et les ronces – qu’on y trouvait encore à la fin du XIXè siècle – , quelle chance d’avoir un tel espace en plein milieu du village pour les réunions, marchés, foires, fêtes, danses ou procès, pour jouer aux boules ou aux quilles, sécher son linge, faire brouter sa chèvre ou sa vache, et aussi pour entreposer ses récoltes, se débarrasser de ses ordures et de ses vieux outils. En 1421, l’évêque de Saint-Brieuc y interdit « les danses et autres jeux voluptueux », qui incitent « aux péchés et surtout à ceux de la chair ». Selon les évêques d’Autun, Cahors, Rodez ou Tulle, ils sont parfois souillés de sang ou de sperme ».
A faire connaître à ceux qui s’imaginent que « dans l’temps, on avait au moins le respect des lieux sacrés, pas comme de nos jours ! »
Photo : le cimetière de Saint-Michel-en-Grève (Côtes d’Armor).